Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
195
ANALYSESpompeyo gener. — La Mort et le Diable.

nution de la foi ou une indifférence pour la parole du prophète. Souvent d’ailleurs il ne se venge pas sur le peuple entier. Saül, Roboam, Osias sont punis seuls, et ce n’est que tardivement qu’Israël est emmené en captivité. Le châtiment de Nabuchodonosor, d’ailleurs, n’a point pour but la délivrance d’Israël ; il punit là comme Dieu universel ; de même, il guide Cyrus. M. Gener le voit trop Dieu d’un seul peuple ; il lui reproche les lévites. Les lévites sont choisis non par caprice, mais comme représentant la race des libérateurs lors de la sortie d’Égypte. Satan, dans l’antiquité hébraïque, n’est qu’un rebelle parmi les Elohim, et nullement un ancien dieu à qui l’on aurait confié le département du Mal.

Chez les Grecs, le mal n’avait pas de représentation unique. Gorgones, Erinnyes, Harpies, Lamies, Moires, l’Hydre de Lerne, Hécate, Empusa, les Sirènes ; à Rome, Orcus, les Lémures, les Strinx : telles sont les divinités malfaisantes du monde grec et latin. Quant a Minos, Eaque, Rhadamante, Pluton et Perséphone, ils représentent l’idée de terre interne ou de justice ; celle d’êtres malfaisants est postérieure. L’enfer homérique est une prison, séjour des Titans, dont les secousses produisent des phénomènes cosmiques. L’idée d’enfer a donc commencé pour les Grecs par les mouvements d’Encelade, c’est-à-dire par le tremblement de terre et l’éruption volcanique. L’entrée de l’enfer se trouve en Arcadie. Le démon proprement dit jusqu’à Socrate ne fut qu’une inspiration personnelle de chaque homme. Eschyle a parlé de démons susceptibles de haine et de colère. Mais Pollux, dans son ονομαστικον, sépare des αλεξικακοι et des λυσιοι funestes ou libérateurs. La cité a son démon. L’alastor est l’auteur des dévastations et des incendies. Il s’ajoute les Corybantes, les Kabires, les Dioscures, divinités déchues, les Mormo, fantômes nocturnes puis les passions, tout est démon. Pour Philon, les démons sont les agents de la divinité. Pourtant il y avait eu une réaction philosophique de la part des Epicuriens et des Stoïciens, qui ne voyaient dans l’enfer que la terre où des ossements sont enfouis. La plèbe, au contraire, croit à Hades, lieu sinistre où l’Achéron roule du sang, où siffle le fouet des Furies, où les Harpies entraînent les hommes encore vivants, où l’on allume des feux. La magie commence ; on éventre des victimes pour voir ce que pense le destin. À l’aide de formules, on peut faire descendre le ciel, ébranler la terre, déchaîner l’ouragan, faire parler les murs, les pierres, les oiseaux, les fontaines, les idoles, inspirer l’amour, combattre les maladies ; la thérapeutique est une magie, et, dit M. Gener, le Panthéon tout entier semble frappé d’épilepsie.

Ce sont les prêtres orientaux qui enseignaient la magie ; ils trouvèrent par un mélange des théories pythagoriciennes et de la cabale les formules, l’Azoth et Abracadabra. 3, 7, 9 deviennent mystiques, et le grand Pan est mort. Tout ceci engendra te mysticisme. Au Dieu, fils des Hébreux, à la philosophie en décadence s’ajouta une idée de matière synonyme de mal, Pour les Néo-Platoniciens et les chrétiens, l’origine du mal est une chute ; elle eut deux aspects chez les Alexandrins :