Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
198
revue philosophique

encore lui qui débauche les Templiers et répand dans le Midi la grande hérésie des Albigeois.

Le quatorzième siècle est sabbatique ; les costumes sont étranges et bariolés de fortes chaleurs, des drogues, des épices nouvelles poussent à l’amour ; l’influence féminine est prodigieuse ; partout un insenséisme, une nervosité extrêmes. Le sabbat est une scène de réjouissance diabolique où se rue le peuple malheureux. Le diable, la tête sinistre et mélancolique, une sorcière sur ses genoux, préside ; on. vient le baiser, et sur les reins d’une femme on célèbre la messe noire. À l’invocation d’Abracax succèdent les danses ; les costumes bizarres, les masques moulés de terre rouge font rage, et l’alchimie, avec Bernard de La Marca Trevisana. Arnaud de Villeneuve, Nicolas Flamel cherche l’or.

Le quinzième siècle s’ouvre par la découverte de l’imprimerie, née du besoin que l’on a de multiplier les copies ; aux notes brèves des notaires, aux manuscrits raturés, pleins de sigles et de signes paléographiques, après l’invention de Gutenberg, de Schœfer et de Faust, succèdent les bibles et les livres antiques typographiés. Mais l’intérieur de cet atelier fermé, jetant par sa cheminée une fumée noirâtre, où l’on voyait les saintes Écritures écrites au rebours, comme doit écrire le diable, parut empreint de sorcellerie, et la persécution le frappa. De là le mythe de Faust vendu au diable. M. Pompeyo Gener étudie le Faust de Marlowe et le Faust de la légende ; il eût peut-être bien fait de s’occuper du Faust et du Méphistophélès de Gœthe.

L’imprimerie servait à la libre pensée. L’Église la persécute ainsi que la sorcellerie. La bulle d’Innocent VIII (Summis desiderantes) indique comme signe de sorcellerie à peu près tout ; une passion qu’on a inspirée, la mort successive de plusieurs proches, un soupçon, un air mélancolique, tout devient prétexte, et l’accusation est bien près du châtiment. C’est le temps des loups-garous. Les Ruggieri accompagnent Catherine de Médicis, et, malgré les médecins Wyer, Legras, Savatier, Agrippa, les bûchers s’allument. Sur une dénonciation du sorcier Trois-Echelles trente mille personnes sont expulsées de Paris. Jean Bodin publie sa Démonomanie avec des signes de griefs aussi peu établis que ceux de Sprenger. Le diable devient homme d’Église, et c’est alors que commence la longue série des possessions de nonnes et les drames de la vie de Gauffridi, d’Urbain Grandier et de tant d’autres.

Jusqu’ici, nous avons résumé le livre de M. Pompeyo Gener, notant surtout les imperfections de détail ; nous pourrions insister sur d’autres points discutables[1]. Nous finirons en signalant et en essayant de combler une regrettable lacune.

  1. Par exemple, page 718, on trouve ces deux phrases, dont le rapprochement est étonnant : « Celui qui écrit un roman crapuleux obtient de plus grands profits que l’auteur d’un livre scientifique. Pour ce qui est du bénéfice, Octave Feuillet et Zola sont bien au-dessus de Darwin et de Spencer, » — Page 720.