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dans l’autre le sentiment est ensemble le but et le principe directeur. Mais le choix entre ces genres d’activité, la part respective attribuée à chacune d’elles, l’établissement d’une règle de la vie en général, sont évidemment des déterminations volontaires, et dans les rapports des hommes entre eux, dans la vie sociale, c’est la volonté qui domine. Son idéal est d’obéir aux directions de l’intelligence, mais il ne suffit pas de connaître la règle ou de s’en faire une, il faut encore la force de l’observer. Le plus souvent sans doute, au témoignage intérieur que nous nous rendons, la valeur de notre conduite dépend moins de la connaissance du bien que de la fidélité à suivre la règle connue. Ici, le travail de l’intelligence porte moins sur la fixation du but à poursuivre que sur la découverte et sur le choix des moyens propres à l’atteindre. D’ailleurs, tout aboutit finalement à des résolutions, à des actes volontaires. On peut donc dire, avec une Clarté suffisante, que la vie sociale est la propre sphère où là volonté se cultive et se déploie avec le concours de toutes les forces de l’âme.

Une certaine distinction de facultés dans l’esprit humain subsistera toujours ; et, même si l’on persiste un peu dans l’observation psychologique (sans se préoccuper avant le temps des rapports incontestables entre les phénomènes qu’elle étudie et les modifications qui se produisent dans nos organes), on ne tardera pas à constater des états de lutte intérieure, des sollicitations en sens contraire, des tensions plus ou moins violentes, qui impliquent nécessairement pour la conscience un jeu de forces opposées, de sorte que la pluralité des puissances intérieures ne saurait être toujours considérée comme une simple manière de parler, mais correspond à des faits bien réels. Il resterait, sans doute, à savoir si ces divisions réelles en un sens quelconque se confondent avec les divisions adoptées pour désigner les différentes classes de phénomènes concrets, ce que nous nous garderons bien d’affirmer.

Ne compliquons donc pas notre marche de l’examen de cette question, pour intéressante qu’elle puisse être ; ne parlons plus de facultés ; parlons de fonctions, par où nous entendons simplement des genres d’états et d’actions analogues de forme et de but. N’insistons pas trop non plus sur une triplicité de fonctions qui laisse fort à désirer, quoiqu’elle suffise à notre objet. Il est clair en effet que le sentiment et la pensée, qui sont deux modes de la conscience, se ressemblent plus entre eux qu’ils ne ressemblent à la volonté, dont les actes n’apparaissent à la conscience qu’après leur accomplissement. Il reste que nous voyons notre activité se partager en un certain nombre de directions différentes, dont aucune ne suffit à remplir la vie, et qui la laissent morcelée, même en se complétant