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-uns sans appartenir essentiellement à l’humanité. On le uns sans appartenir essentiellement à l’humanité. On le pourrait sans doute en s’en tenant aux nombres et aux apparences, on le pourrait, mais en réduisant la notion de l’espèce à ses éléments anatomiques, c’est-à-dire en renonçant à la possibilité même d’une psychologie.

Ceux dont le parti pris n’est pas assez ferme pour les décider à un tel sacrifice, ceux qui se sentent obligés d’avouer, d’abord que la prière, l’adoration, la religion sont des faits humains, ensuite que ce ne sont pas des modes du sentiment ni de l’intelligence, mais les manifestations d’une fonction spéciale, parce qu’elle confond en soi toutes les autres, seront poussés par des considérations d’ordre, de finalité, « d’adaptation de l’interne à l’externe, » à se demander si l’existence de la religion s’explique bien sans un terme objectif possible. Sans toucher à cette question, si lestement tranchée aujourd’hui, je demande en leur nom si les hommes éminents qui se glorifient de posséder une idéal laïque, au sens de l’idéal d’une humanité sans religion, sont réellement bien sûrs de leur fait. Quelle que soit la manière dont il s’explique le phénomène, l’empirisme moderne semble d’accord pour considérer la religion comme un accident passager, qui peut être totalement éliminé. Que la religion ait ou non un objet hors de l’âme, que cette question même ait un sens ou non, l’analyse du fait religieux semble infirmer une telle espérance. Car, privée de sa fonction centrale et suprême par sa forme aussi bien que par son objet, l’humanité ne serait-elle pas réellement une humanité décapitée ? L’esprit incapable de manifester son unité serait-il encore l’esprit ? Il est impossible de ne pas soulever au moins la question.

Enfin, touchant un instant à des considérations d’ordre pratique nous demanderons si la prédication de l’athéisme est vraiment le meilleur moyen d’abolir la superstition et de parer aux dangers qui en résultent pour les institutions nationales. Ce doute n’a pas la même importance pour ceux dont la conviction philosophique est bien arrêtée que pour ceux qui, sans avoir avoir beaucoup approfondi ces matières, se préoccupent essentiellement de l’intérêt social et politique. Pour qui ne voit sérieusement dans la religion qu’un état inférieur de la conscience, un mélange de sentiments morbides, de pratiques absurdes et d’illusions décevantes, il est naturel d’attaquer le mal par la racine, en s’efforçant de rendre impossible le retour de l’esprit à une religion quelconque. Les partisans de cette opinion se montrent conséquents en refusant de distinguer entre les cultes et les croyances. À leurs yeux, la religion, faisant obstacle au progrès, sera toujours une puissance malfaisante. Et, ne fassent-ils pas bien certains qu’elle est toujours nuisible, ils n’en procla-