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en était ainsi au début de la vie sociale et il en est encore ainsi.

C’est un point acquis dans la science qu’il faut reconnaître dans les causes encore agissantes les causes qui ont produit, par des opérations semblables dans le passé, l’état de choses actuellement existant. Partant de là, et poursuivant les recherches que cette idée suggère, nous allons arriver à la vérification des conclusions précédentes.

Chaque jour, les réunions publiques nous montrent des exemples nouveaux de la même différenciation, qui est le caractère de l’appareil politique primitif, et des exemples nouveaux des actions des diverses parties de cet appareil. On y retrouve la masse des moins éminents, formant l’auditoire, dont le rôle dans l’affaire consiste à exprimer l’approbation ou la désapprobation, à dire oui ou non aux motions. On y trouve la partie moindre, occupant le bureau, les gens dont la richesse, la position, la capacité assurent l’influence ; ce sont les chefs locaux qui conduisent la discussion. Enfin, il y a le président élu, généralement l’homme le plus éminent, qui exerce une autorité reconnue sur les orateurs et l’auditoire c’est le roi du moment. Une assemblée réunie à l’improviste se résout de même plus ou moins nettement en ces trois divisions ; et quand l’assemblée devient un corps permanent, comme celui d’une compagnie d’affaires, d’une société philanthropique, d’un cercle, ces trois divisions prennent rapidement des formes définies et deviennent le président, le bureau ou comité et les membres ou actionnaires. Ajoutez que, bien qu’au début une de ces associations permanentes, formées par la volonté libre, présente, comme la réunion de la horde primitive ou de l’assemblée publique moderne, une distribution de l’autorité telle que le petit nombre des hommes choisis et leur chef sont subordonnés à la masse, les proportions des pouvoirs respectifs subissent, selon les circonstances, des changements plus ou moins tranchés. Lorsque les membres qui composent la masse, outre qu’ils ont un grand intérêt à la marche de l’affaire, se trouvent placés de façon à combiner aisément leurs efforts, ils font échec au petit nombre et au chef ; mais lorsque la dispersion de la masse, celle des actionnaires d’un chemin de fer par exemple, met obstacle à leur coalition, le petit nombre des choisis ne tarde pas à constituer une oligarchie, et du sein de l’oligarchie il n’est pas rare de voir surgir un autocrate la constitution devient un despotisme tempéré par des révolutions.

Quand je dis que je trouve à chaque instant des preuves que la force d’un appareil politique dérive du sentiment commun, en partie incarné dans le système consolidé transmis par le passé et en partie