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P. TANNERY. — l’éducation platonicienne

plètement élaborée dès l’origine de la science et n’a reçu ensuite que des perfectionnements de détail[1].

Quant au contenu des Éléments d’Euclide, il est de même aujourd’hui parfaitement établi qu’il ne représente en rien les travaux réellement originaux qu’a pu produire le premier des géomètres alexandrins ; son œuvre personnelle ne nous a guère été transmise que retravaillée par ses successeurs et fondue dans leurs écrits, tandis que ce qui nous reste sous son nom consiste au contraire dans la fusion des travaux de ses précurseurs, et cette fusion au reste n’est pas si complète qu’on ne puisse reconnaître la différence d’origine des matériaux qu’il a employés.

L’ordre dans lequel se suivent les théories exposées dans les Éléments est en effet essentiellement différent de celui qui règne de nos jours en géométrie, et il resterait absolument inexplicable s’il ne représentait pas un développement historique.

Tout d’abord il faut distinguer, dans les treize livres des Eléments, trois groupes ; les six premiers livres sont consacrés à la géométrie plane, les quatre suivants à l’arithmétique, les trois derniers à la géométrie dans l’espace, dont la théorie des cinq polyèdres réguliers forme le couronnement ; la géométrie sphérique, de même que la théorie des angles polyèdres, ne sont pas abordées ; ce sont des sujets qui, comme au temps de Platon, font encore partie intégrante de l’astronomie.

Si nous examinons le premier groupe, les six livres de la géométrie plane, nous reconnaissons facilement que le premier de ces livres, couronné par le théorème sur le carré de l’hypoténuse, comprend la démonstration de toutes les propositions simples, transmises par l’Égypte à la Grèce jusqu’au temps de Pythagore, après lequel les géomètres hellènes volèrent de leurs propres ailes.

Le livre II présente ce qu’on pourrait appeler la constitution d’un algorithme linéaire ; il renferme les théorèmes relatifs aux résultats des opérations arithmétiques sur les longueurs combinées entre elles. C’est le premier pas que devait faire la science, du moment où elle possédait, dans le théorème de Pythagore, le moyen de construire un carré égal à la somme de deux autres.

Les livres III et IV renferment la théorie du cercle et celle des

  1. Comme l’invention du διορισμός par Léon, contemporain de Platon. Un peut croire que l’origine de la forme euclidienne remonte aux Égyptiens, car on ne peut guère mettre en doute qu’ils ne sussent faire des démonstrations. Comparez le texte de Démocrite (Clem. Alex., Strom., I. p. 131, Sylb.) : Γραμμέων συνθέσιος μετὰ ἀποδείξιος κώ με παρήλλαξεν, οὐδ’ οἱ Αἰγυπτιών καλεόμενοι Ἀρπεδονάπται. .