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polygones réguliers ; elles sont déjà supposées par les travaux d’Hippocrate de Chios sur la quadrature des lunules, au milieu du siècle avant Jésus-Christ.

Le livre V, consacré aux théorèmes généraux sur les proportions géométriques, paraît avoir pour base une rédaction d’Eudoxe. Mais la matière doit avoir été élaborée dès longtemps avant l’âge de Platon, si l’on en juge par l’usage fréquent qu’il fait de ces proportions[1].

Enfin le livre VI, le dernier de la géométrie plane, abstraction faite des derniers théorèmes, qui, sans lien avec les précédents, semblent des additions faites après coup à un plan primitif, marche à la solution générale des problèmes du second degré, la παραβολὴ avec ἔλλειψις, ou ὑπερβολὴ, qui fut, sur ce terrain, le dernier effort de la muse pythagoricienne.

D’après ce que nous avons dit à ce sujet dans notre premier article, nous admettons que le cadre général de ces six livres était déjà rempli dans les premiers Éléments qui aient été écrits, ceux d’Hippocrate de Chios ; si d’ailleurs les théories qui y étaient développées n’arrivèrent à Euclide qu’après avoir reçu de nombreux perfectionnements, les plus importantes additions, au témoignage de Proclus, paraissent avoir été dues à Théétète d’Athènes et à Eudoxe de Cnide, c’est-à-dire être au plus tard du temps même de Platon.

Quant aux quatre livres qui forment le groupe consacré à l’arithmétique, il faut distinguer les trois premiers (VII, VIII, IX) du suivant, le Xe. Si l’on écarte, pour les motifs indiqués plus haut, le couronnement de cette première subdivision, c’est-à-dire la théorie du nombre parfait, relative à un problème seulement posé du temps de Platon, on ne rencontre, dans les trois livres en question, que des connaissances vraiment élémentaires et évidemment possédées de bonne heure par les mathématiciens grecs, quoique l’âge de la première rédaction de l’ensemble des démonstrations, probablement postérieure Hippocrate de Chios, ne puisse être fixé avec précision.

Le Xe livre a un tout autre caractère il est consacra aux quantités incommensurables, dont la notion venait peine, au temps de Platon, d’être généralisée par Théétète. Le pénible développement de la

  1. L’emploi qu’en fait de même Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, V, 3, par exemple, en les appliquant à la notion de la justice distributive, est certainement emprunté a son maître et suppose une théorie géométrique complète. Le rôle d’Eudoxe semble avoir été surtout d’établir d’une façon irréfutable, pour les grandeurs en générât, commensurables pu non, une théorie qui, à l’origine, ne supposait de rapports qu’entre nombres. Jusqu’à son travail, l’incommensurabilité demeurait, en géométrie, une pierre d’achoppement, et ses précurseurs bannirent systématiquement, en conséquence, la potion de rapport des démonstrations des quatre premiers livres.