Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
305
ANALYSESmalcolm guthrie. — On Spencer’s Formula.

ceptée partir d’un état initial où tout soit parfaitement homogène et néanmoins expliquer l’univers actuel. Commençons alors, pour expliquer les êtres conscients, par doter de conscience les unités ultimes, éléments premiers du cosmos. En sera-t-il de la conscience comme il en est du mouvement ? Se transportera-t-elle d’un élément à un autre, diminuant ici, là au contraire croissant d’intensité ? Posera-t-on, en principe, la persistance dans l’univers d’une même quantité de conscience (Cf. p. 139) ? Ce n’est pas tout. Saurons-nous dire ce que devient la conscience et quelles modifications produit en elle l’intégration de la matière ? On a vu que l’intégration de la matière implique une dissipation correspondante du mouvement. Les modifications dont la conscience est susceptible peuvent dépendre, ou du premier de ces deux phénomènes ou du second il pourrait se faire par exemple que les variations intensives de la conscience fussent directement proportionnelles aux variations quantitatives du mouvement. Mais que conjecturer à cet égard ? Ira-t-on attribuer la conscience à la chaleur, la lumière, etc. ? En outre, et si l’on est à même de comprendre comment à l’aide de molécules simples se forment les molécules complexes, n’est-on point hors d’état de concevoir « un transport ou une concentration de conscience » ? On ne se comprenait donc pas tout à l’heure quand on disait « …pendant laquelle les activités subissent une transformation analogue ? »

De toute manière cependant, il semble que nous soyons contraints à placer la conscience initiale dans la matière initiale, autrement dit dans l’homogène. Mais en quoi consiste cette activité consciente de la matière ? Quels en seront ses effets sur le mouvement et comment ne pas craindre qu’elle n’intervienne, ou pour ajouter, ou pour diminuer à la quantité du mouvement de l’univers ? Or les faits attestent que cette quantité demeure invariable.

De plus, voir dans la conscience une forme du mouvement nous est interdit, à en juger par les déclarations de M. Spencer lui-même. « L’unité de conscience dont il est question dans les Principes de Psychologie est une sensation de mouvement ; mais autre est le mouvement, autre la sensation. Or, n’étant pas un mouvement, comment la sensation, ou tout autre fait de conscience pourrait-il le modifier. Le mouvement seul est susceptible de modifier le mouvement ; on le sait par expérience.

Il faut donc bien prendre garde au sens de cette expression intégration des états de conscience. M. Spencer ne peut entendre par ces mots une intégration de l’ordre matériel ou mécanique, mais bien une intégration sui generis. Autrement, que signifierait encore cette assertion : « L’analyse rend de plus en plus manifeste l’impossibilité de trouver un concept applicable, d’une part à ce qui est mouvement, d’autre part à ce qui est conscience. Entre les phénomènes objectifs et les phénomènes subjectifs, il peut être question d’un parallélisme, mais non pas d’une transformation des uns dans les autres.