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Si l’on adopte cette manière de voir, comment accepter-la loi d’évolution sous sa forme primitive ? M. Spencer a beau vouloir que la géologie sorte de l’astronomie, la biologie de la géologie, la psychologie de la biologie, par voie d’évolution ou de spécialisation, il ne peut se mettre d’accord avec lui-même, a moins d’ériger la conscience en mode du mouvement, ce qui exposerait, comme où l’a vu, à des difficultés insurmontables. Voici le dilemme, et il est malaisé de le résoudre ; ou bien on acceptera la formule telle qu’on nous la propose, et la formule conviendra tout au plus à l’explication des phénomènes inorganiques ; ou bien à la matière et au mouvement on ajoutera un troisième facteur, la conscience, et l’on ne pourra rien dire des rapports qu’il soutient avec les deux autres.

L’étude dont nous essayons l’analyse pourrait se terminer ici. L’auteur juge à propos de lui donner un appendice et d’examiner la théorie de l’Inconnaissable. C’est encore un hors-d’œuvre et dont la notion d’absolu fait à elle seule tous les frais.

D’après M. Spencer, toute connaissance est relative, et cela pour deux raisons d’abord elle est la connaissance des relations qui existent entre le sujet et les objets environnants, ensuite elle est la connaissance des relations qui unissent les objets eux-mêmes les uns aux autres. Les objets de la connaissance sont désignés par des noms. Or un nom n’est autre chose que l’indice d’une corrélation entre la chose qu’il désigne et l’ensemble des choses qui diffèrent de celle-là. Le nom homme par exemple enferme dans un groupe une collection d’individus et met ce groupe à part de tous les autres. Les noms qui servent à exprimer la totalité des choses font exception à la règle. En raison de leur extension maximum, leur compréhension se trouve être réduite à zéro. Les objets auxquels ils s’appliquent sont tous les objets possibles point d’objets en dehors de ces groupes, car ils embrassent l’universalité des choses réelles. Par où l’on voit, selon M. Guthrie, que les noms de cette dernière classe n’expriment qu’un seul genre de rapport : un rapport d’objet à sujet[1]. Soit, par exemple : le cosmos, l’univers, l’existence, le total, l’entier, la somme. Ce sont là des objets qui n’ont point de corrélatifs, puisque rien n’est en dehors d’eux, ou du moins, s’ils sont en rapport avec quelque chose, c’est « avec cette partie d’eux-mêmes qui en prend connaissance ». Insistons encore. Tandis que le nom « homme » implique en dehors du genre humain des êtres auxquels ce nom ne saurait convenir, le nom existence, le nom

  1. Ici le texte nous a semblé d’une obscurité et concision regrettable, il faut y ajouter pour comprendre. Voici quelle nous paraît être la pensée de l’auteur. Soit la notion d’homme : cette notion, ce nom impliquant une pensée, c’est-à-dire une relation entre le genre humain et l’esprit qui en forme le concept ; ils impliquent en outre une relation d’une autre nature et dont les termes sont d’une part le groupe humain, d’autre part les autres groupes auxquelles il s’oppose. Les relations de cette deuxième espèce ne seraient pas impliquées dans les concepts d’extension universelle et dans les noms qui les expriment.