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ANALYSESmalcolm guthrie. — On Spencer’s Formula.

somme, etc., n’implique rien en dehors des êtres contenus dans les groupes désignés. « The total implies the factors ; the whole implies the parts the universe, the cosmos, implies its constituents and nothing more (p. 154). »

Mais, dira-t-on, le mot existence a son corrélatif dans le mot non-existence. — Point du tout : le corrélatif de « quelque chose » n’est pas « rien » ; il est « les autres choses » qui ne sont point celle-là. De même, le corrélatif d’ « existence » ne sera point « non-existence » ; il sera « coexistence ». Le terme non-existence est vide de tout contenu, c’est un pur flatus vocis.

Etant donnée cette explication, on devine à l’avance ce que va devenir l’Absolu, qui n’est autre, on le sait, que l’lnconnaissable de M. Spencer. D’inconnaissable il descendra au rang d’entité imaginaire, être non pas seulement impossible à connaître, mais encore impossible à penser. On nous dit : il faut, de toute nécessité, rattacher les phénomènes à un absolu. Or il ne suffit point de connaître la matière et ses modes, il faut encore se demander quelle est la réalité qui les manifeste. Cette réalité, nous sommes contraints d’affirmer qu’elle existe ; il y a plus, nous en avons pour ainsi dire l’obscure conscience. Malheureusement, toute notre connaissance de l’absolu se réduit à affirmer qu’il y a un absolu. Alter plus loin est interdit à l’intelligence.

Ainsi raisonne M. Spencer. M. Guthrie n’est pas convaincu. D’abord a absolu ? est un terme synonyme de « non-relatif », lequel mot ne signifie rien. Donc affirmer l’existence de l’absolu revient à poser le néant comme une réalité existante, ce qui est manifestement absurde et contradictoire.

Mais il faut une réalité pour expliquer les apparences ! — D’accord : le tout est de savoir si la matière, abstraction des apparences qu’elle nous offre d’elle-même, doit être à son tour envisagée comme une apparence. On sait, à n’en pas douter, que si l’homme et les animaux étaient autrement organisés qu’ils le sont, on cesserait d’attribuer à la matière les propriétés de chaleur, de lumière… En elles-mêmes, et objectivement parlant, pour me servir des termes consacrés, ces proprié-monde. D’après M. Guthrie, autant du moins qu’il nous a été donné de le comprendre, il faudrait distinguer entre apparences et phénomènes. La chaleur, la lumière, etc., seraient des apparences ; les phénomènes seraient la matière et le mouvement, et ces phénomènes constitueraient précisément les choses telles qu’elles ont en elles-mêmes. Aller plus loin est inutile. Au lieu de chercher une réalité par delà les phénomènes, on érigera les phénomènes en réalité, ce qui sera plus expéditif et plus intelligible. Voyez plutôt que d’embarras cet inconnaissable crée à M. Spencer : un inconnaissable dont nous ne connaissons rien, qui se manifeste par l’étendue et le mouvement, qu’est-ce à dire ? Si nous pouvons affirmer par quoi et comment il se révèle, comment prétendre que nous ne le connaissons pas. La connaissance d’une cause n’est-elle pas adéquate à la connaissance des effets ? Si nous connais-