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C’est là en effet un des points faibles de la thèse optimiste, et l’on peut se demander si, dans l’hypothèse de cette évolution idéale, l’homme comme être sensible ne perd pas autant qu’il gagne.

Ce numéro contient en outre des notes et discussions sur l’hypnotisme, par Stanley Hall ; sur le développement de l’enfant, par Champneys ; sur le libre arbitre par Shadworth H. Hodgson sur la définition de l’action instinctive, par J. Sully, et un compte rendu de la Science sociale contemporaine de M. Fouillée.


La Zeitschrift für Volkerpsychologie annonce qu’une souscription est ouverte pour une édition nouvelle des œuvres Complètes de Herbart chez Fues (R. Reisland), à Leipzig. L’édition de Hartenstein est épuisée. L’édition nouvelle sera faite par le Dr Karl Herbach.


CORRESPONDANCE



LA VEILLE CONTINUÉE DANS LE SOMMEIL

La Revue philosophique a publié plusieurs fois des notes et des articles sur les rêves, en particulier les articles si intéressants et si pleins de faits de M. Delbœuf. J’ai eu ces jours-ci un rêve qui m’a paru assez singulier, et les psychologues qui étudient la question des rêves le trouveront peut-être curieux. Je vous le donne tel quel : vous verrez s’il vaut la peine d’un dire un mot dans la Revue.

Je m’étais endormi en songeant qu’il faudrait me lever le lendemain matin à sept heures. Dans la nuit, je m’éveille, j’allume ma bougie, je regarde ma montre, elle marque quatre heures un quart : je me rendors. Une heure après, nouveau réveil ; je constate qu’il est cinq heures un quart, et je me rendors encore. Quelque temps s’écoule, je rêve que je m’éveille une troisième fois et que, dans une demi-somnolence, j’allume ma bougie pour regarder l’heure ; je sais surpris de voir que ma montre marque quatre heures un quart ; je me dis qu’elle s’est peut-être arrêtée à partir du moment où je l’ai regardée à mon précédent réveil, ce qui lui arrive assez souvent pendant le jour ; mais je me souviens aussitôt que je l’ai regardée une seconde fois et qu’elle marquait alors près de cinq heures. Je me demande si je suis bien éveillé ou si je dors. Il me semble bien que je veille ; je remarque que mes sensations visuelles sont parfaitement nettes. Puis le souvenir du monologue de Macbeth[1] qui cherche dans le toucher la confirmation du témoignage de sa vue me traverse vaguement l’esprit ; je palpe la bougie le chandelier et les sensations tactiles me semblent aussi nettes que mes sensations visuelles. Voulant pousser la vérification plus loin, j’introduis à deux et trois reprises différentes mes doigts dans la flamme : je m’aperçois alors que, si j’imagine vaguement une sensation de chaleur, je n’éprouve pas du tout la sensation de brûlure, bien que je prolonge le contact des doigts avec la flamme. J’en conclus que Je rêve et que les sensations vitales ne donnent pas sans doute d’images dans les rêves, à la différence des autres espèces de sensations… puis tout s’efface… et je continue à dormir jusqu’à six heures passées, où je m’éveille de nouveau, mais cette fois pour tout de bon.

Ce rêve m’a paru bizarre, parce que la liaison des idées y est aussi complète

  1. Macbeth, Acte II, scène I.