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bien positif et immanent qu’on nomme le bonheur. — Voilà, malgré les déguisements dont il la recouvre parfois, la propre pensée de Kant. Nous trouvons en nous la loi du devoir qui nous commande, sans que nous trouvions l’objet de cette loi dans le monde sensible et sans que nous puissions le déterminer dans le monde intelligible : il faut obéir.

Avant d’obéir, pourtant, il est naturel de se demander si cette idée du devoir a l’absolue valeur qu’on lui attribue. En présence de ce commandement formel dans tous les sens du mot, les questions se pressent : 1o La moralité est-elle possible pour le sujet moral et a-t-il une liberté capable de la réaliser ? 2o La loi du devoir est-elle certaine et objective ?


III


Le sujet moral la liberté intelligible.


Examinons d’abord ce que Kant entend par la liberté et les diverses questions auxquelles la liberté donne lieu.

1o Kant a-t-il démontré que la liberté nouménale n’est pas impossible.

Le déterminisme, ou besoin de déterminer et de lier toutes choses, est l’essence même de notre entendement ; il n’y a de connaissable que ce qui est déterminé par des lois. Mais, ajoute Kant, tout n’est pas connaissable en nous ; les phénomènes seuls le sont ; le noumène, qui est notre fond même, ne l’est pas. Donc la réalité, soit la nôtre, soit celle des autres choses, n’est soumise au déterminisme et à la loi de causalité qu’en tant qu’elle apparaît ; donc encore, en tant qu’elle est, elle échappe ou peut échapper à ce déterminisme, elle est ou peut être libre. La liberté n’est pas démontrée impossible dans le monde des noumènes ; il est donc possible de concevoir une liberté nouménale. Le libre, en ce sens, c’est simplement le non-déterminé, le non-connu et le non-connaissable. Telle est la première définition de la liberté, toute négative.

L’idée de liberté ne commence à devenir positive, selon Kant, que par l’idée de loi morale, qui y introduit, sinon une matière et un objet, du moins une forme déterminée, celle d’une législation universelle. La liberté devient alors, selon Kant, le pouvoir de prendre un intérêt à cette pure forme, à la pure loi morale, par cela même le