Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
397
herbert spencer. — les chefs politiques

Enfin les Ostyaks « témoignent du respect, au sens le plus complet du mot, à leur chef, s’il est sage et vaillant ; mais cet hommage est volontaire et non une prérogative de sa position. »

Il est encore une autre source de puissance politique dans les tribus primitives : c’est l’étendue des propriétés, la richesse y est à la fois un signe indirect de supériorité et une cause directe d’influence. Chez les Taculies, « on peut devenir minty ou chef quand on peut donner de temps en temps un festin à tout le village. » — « Chez les Tolewas, de la région Del Norte, l’argent fait le chef. » Enfin, chez les Navajos, qui n’ont pas de chef, nous lisons « que tout homme riche a beaucoup de gens sous sa dépendance et que ceux-ci obéissent à sa volonté en paix comme en guerre. »

Naturellement, dans les sociétés qui ne sont pas encore politiquement avancées, une supériorité reconnue peut toujours avoir pour rivale une supériorité de fraîche date et être supplantée par elle. « Lorsqu’un Arabe, avec une escorte composée de ses parents seulement, a mené heureusement des razzias contre l’ennemi, d’autres amis se joignent à lui, et, s’il continue à remporter des succès, il acquiert la réputation d’avoir du bonheur ; il établit ainsi dans la tribu une sorte d’autorité seconde ou inférieure. » De même à Sumatra. « L’air du commandement, des manières insinuantes, une parole abondante et facile, de la finesse et de la sagacité à débrouiller les petites difficultés des disputes, telles sont les qualités qui manquent rarement d’assurer à celui qui les possède le respect et l’influence, plus peut-être qu’à un chef reconnu. » Chez les Tongans et les Dayaks, on observe des exemples analogues de substitution d’influence.

Dès le début, nous reconnaissons que le principe où nous avons vu le seul principe de force est aussi l’unique principe d’organisation. L’autorité d’un chef politique, quelle qu’elle soit, s’acquiert par une aptitude qui se manifeste sous la forme de l’âge plus avancé, d’une plus grande vaillance, d’une volonté plus forte, d’un savoir plus étendu, d’un esprit plus vif ou d’une plus grande richesse. Mais la suprématie qui dépend exclusivement d’attributs personnels n’est évidemment que passagère. Elle est toujours exposée à succomber devant celle d’un homme plus capable qui peut s’élever d’un moment à l’autre ; et, alors même qu’elle ne succomberait pas, la mort y mettrait fin inévitablement. Nous avons donc à rechercher comment l’institution permanente d’un chef s’établit. Mais auparavant il faut examiner plus à fond les deux genres de supériorité qui mènent spécialement à cette institution et leurs modes d’opération.

Si la vigueur physique est une cause de prédominance au sein de