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herbert spencer. — les chefs politiques

temps de guerre, il n’existait pas de chef commun à tous, ou même à une confédération donnée. »

Ces faits nous remettent en mémoire ce que nous avons dit en parlant de l’intégration politique, à savoir que la cohésion dans les groupes composés est moindre que celle des simples groupes, et que la cohésion dans les groupes doublement composés est moindre que dans les composés. Ce que nous avons dit alors de la cohésion, nous pouvons le dire ici de la subordination ; en effet nous voyons que lorsqu’à la suite de guerres continuelles, une autorité permanente s’est constituée à la tête d’un groupe composé, elle est moins stable que celle de simples groupes. Souvent elle ne dure que pendant la vie de l’homme qui l’a créée exemple chez les Karens, les Manganas, et les Dayaks. Chez ces derniers, dit Boyle, « c’est par exception qu’un chef s’élève à une suprématie reconnue sur les autres chefs. S’il y parvient, c’est sans autre titre que son mérite personnel et le consentement de ses anciens pairs, et à sa mort son empire se dissout immédiatement. » Alors même que l’institution du chef du groupe composé dure plus que la vie de son fondateur, elle demeure longtemps d’une stabilité bien moindre que celle des groupes composants. D’après Pallas, les chefs mongols et kalmoucks ont un pouvoir illimité sur leurs sujets, mais les khans ne possèdent en général qu’une autorité incertaine et faible sur les chefs subordonnés. Les Cafres sont « tous vassaux du roi, les chefs aussi bien que leurs subordonnés ; mais les sujets obéissent si aveuglément à leurs chefs, qu’ils les suivront au besoin contre le roi. » L’Europe nous a fourni des exemples analogues. Chez les Grecs homériques, d’après M. Gladstone, « il est probable que la subordination du sous-chef au souverain local était plus étroite que celle du souverain local au chef de la Grèce. » Enfin durant les premiers temps de la féodalité en Europe, l’allégeance envers le chef local était plus forte que celle qu’on devait au chef commun.

Dans le groupe composé, comme dans le groupe simple, le progrès vers une autorité stable se trouve favorisé parla transition de la succession par le choix à la succession par hérédité. Durant les premiers âges de la tribu simple, quand le rang suprême n’est pas le fruit de la supériorité tacitement reconnue, c’est par l’élection qu’on l’obtient. Dans l’Amérique du Nord, les choses se passent ainsi chez les Aléoutes, les Comanches et bien d’autres encore ; dans la Polynésie, il en est ainsi chez les Dayaks de l’intérieur, et avant la conquête musulmane il en était ainsi à Java. On trouve cet usage chez les races montagnardes de l’Inde, les Nagas et autres. Dans quelques régions, diverses tribus de la même race offrent un exemple du passage à la