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succession héréditaire. Chez les Karens par exemple, « l’autorité est considérée comme héréditaire dans beaucoup de districts mais, dans un plus grand nombre, elle demeure élective. » Certains villages chinouks ont des chefs qui reçoivent en héritage leur puissance, mais la plupart la tiennent de l’élection.

Pareillement, le groupe composé est d’abord gouverné par un chef élu. Nous en tirons beaucoup d’exemples de l’Afrique. Bastian rapporte que, « dans beaucoup de parties de la région du Congo, le roi est élu par les petits princes. » La couronne de Yariba n’est pas héréditaire : « les chefs élisent invariablement l’un des plus sages et des plus fins de leur ordre. » Le roi d’Ibou, dit Allen, paraît être élu par un conseil de soixante anciens, ou chefs de grands villages. » En Asie, il en est ainsi chez les Koukis « parmi tous les rajahs de chaque clan, on en choisit un qui sera. le Prudham ou rajah suprême de ce clan. La dignité n’est pas héréditaire, comme dans les cas de rajahs de second rang, mais chaque rajah du clan en jouit à son tour. » II en a été de même en Europe. Bien que, chez les Grecs primitifs, le droit héréditaire fût reconnu en grande partie, l’exemple de Télémaque donne à penser « qu’il existait un usage ressemblant à l’élection ou impliquant en quelque sorte une action volontaire de la part des sujets, ou d’une partie d’entre eux, et qu’il était mis en pratique. » Cela est encore vrai de l’ancienne Rome. Ce qui prouve que la monarchie était élective, c’est a que dans les derniers temps, il existait un office d’interroi, qui implique que le pouvoir royal ne passait pas naturellement aux mains, d’un successeur, » Plus tard il en fut ainsi des peuples orientaux. Jusqu’au commencement du dixième siècle « la formalité de l’élection subsista dans tous les états de l’Europe ; l’insuffisance du droit de naissance avait besoin de la ratification de l’assentiment public. Il en était ainsi jadis en Angleterre. Dans les premiers âges de l’histoire de ce pays, l’autorité du Bretwalda ou chef suprême des autres rois fut d’abord élective ; et l’on peut retrouver dans l’histoire de ce pays la formalité de l’élection bien longtemps après cette époque.

La stabilité de l’autorité du chef du groupe composé, accrue par l’utilité du commandement à la guerre et par l’établissement de la succession héréditaire, s’accroît encore par l’intervention d’un nouveau facteur, l’origine surnaturelle ou la sanction surnaturelle. Partout. depuis le roi de la Nouvelle-Zélande qui est rigoureusement tabou ou sacré, on retrouve l’influence de cet élément ; et de temps en temps lorsqu’on n’invoque pas une naissance divine ou une puissance magique comme des titres, on invoque une origine plus qu’humaine. L’Asie en offre un exemple dans la dynastie de Fodli qui régna 150 ans