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ANALYSESf. evellin.Infini et quantité.

forme : Descartes et son école, cessant de donner à ce mot le sens que lui avait prêté toute l’antiquité, celui d’indéterminé, d’indéfini, ont considéré l’idée de l’infini comme la plus réelle, la plus positive de toutes nos idées. L’opinion de M. Evellin sur cette doctrine ne peut être douteuse l’infini est un concept contradictoire ; tous les arguments théologiques de Descartes, Newton et Clarke sont sans portée. Pourtant, s’il écarte toutes ces démonstrations, c’est pour des raisons toutes différentes de celles de Kant. Kant admet la présence en nos esprits et le caractère irréductible de l’idée de l’infini ou de l’Être nécessaire : il refuse seulement à cette idée une valeur objective. M. Evellin au contraire (laissant, il est vrai, de côté l’idée du parfait) n’admet pas que cette idée soit vraiment première. Si elle l’était, les arguments théologiques seraient, à ses yeux, irréprochables. Dans une note fort curieuse sur laquelle nous regrettons de ne pouvoir insister, il revient sur une question qu’on pouvait croire jugée, celle de la célèbre preuve ontologique de saint Anselme et de Descartes, et il réfute la critique de Kant. On nous permettra seulement de dire que les arguments de M. Evellin, pour ingénieux qu’ils soient, ne nous ont pas convaincu.

Dans sa conclusion, M. Evellin indique nettement la portée de sa thèse : il est métaphysicien, et c’est pour venir en aide à la métaphysique, pour maintenir ses droits méconnus, pour protester contre l’arrêt prononcé par Kant, qu’il a écrit : « L’objet que dans le présent travail nous nous étions directement et immédiatement proposé était, on l’a vu, l’étude de ces antinomies, qui ne nous paraissent redoutables et que nous ne jugeons insolubles que lorsque nous oublions qu’elles sont dues au conflit de l’imagination et de la raison, au contraste de ce qui parait être et de ce qui est ; il nous semblait de quelque utilité de faire voir que le concept de l’infini, ramené à ses éléments par l’analyse, n’enveloppe aucune des contradictions qu’on lui prête, et que sur ce terrain l’opposition de l’actuel et du virtuel suffit à expliquer, à justifier même les vues les plus divergentes ; mais, à vrai dire, nous visions un but ultérieur et bien autrement digne d’intérêt : nous voulions montrer, en nous aidant d’un exemple, et faire ainsi toucher du doigt, le rôle et la portée de la raison pure dans toutes les questions de l’ordre de celle que nous avions traitée ; nous voulions surtout établir, ne fût-ce que médiatement et à titre de conclusion derrière, que la métaphysique a un objet propre, puisque des problèmes d’un ordre spécial lui sont soumis ; une méthode, puisqu’elle peut, dans l’étude de quelques-uns de ces problèmes, employer, non sans succès, certains procédés ; un instrument enfin, savoir la raison elle-même, cette raison dégagée du sensible, qui suscita tant d’injustes défiances et qui nous parait encore, malgré tout, l’instrument par excellence de la pensée. (P. 265.)

Point d’infini actuellement réalisé dans le réel, le fini ; dans la pensée, l’indéfini : voilà d’un mot le point essentiel, la maîtresse formule de la thèse de M. Evellin. Ainsi présentée, elle n’est pas absolu-