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ANALYSESw. wundt.Physiologische Psychologie.

par autre chose, simples décalques des points dynamiques, vides et pourtant impénétrables, contigus et pourtant distincts ?

Si encore la chose en soi, supposée possible, nous était de quelque utilité ! Mais il n’en est rien. Après qu’on en a constaté l’existence, il faut avouer qu’on ignore comment elle se comporte, et revenir, dans l’impuissance où nous sommes de l’atteindre, aux symboles merveilleusement ingénieux que les mathématiciens ont inventés pour s’en passer. S’agit-il simplement de se borner au plaisir platonique d’en constater l’existence, à la limite de notre connaissance ? Plus d’un idéaliste y consentirait, Kant, que M. Evellin combat si vivement, tout le premier, et bien d’autres : « Le poisson du vivier, dit A. Lange, ne peut nager que dans l’eau et non sur la terre ; mais il peut pourtant heurter de la tête le fond et les parois. Nous aussi nous pourrions de la sorte avec l’idée de causalité mesurer tout le domaine de l’expérience, et trouver qu’il y a au-delà de ce domaine une région entièrement inaccessible à notre faculté de connaître[1] » Mais, si cette connaissance doit rester stérile, autant n’en pas parler ; s’il faut rester dans la sphère des phénomènes, autant le faire de bonne grâce. Posons le réalisme comme un idéal qu’il est fâcheux de ne pouvoir atteindre, et soyons idéalistes. En fin de compte, M. Evellin déclare que de ce monde de la raison pure « nous n’avons qu’une connaissance négative, quelque certaine qu’elle soit, parce que nous n’en savons qu’une chose : c’est que sans lui ce que nous nommons d’ordinaire pensée serait impossible. » (P. 269.) N’en avoir qu’une connaissance négative, c’est être bien près de n’en avoir aucune. Et si nous n’avons d’autre raison de l’admettre que l’impossibilité d’expliquer sans lui la pensée, il faudrait s’assurer, si vraiment cette impossibilité est rigoureuse. Peut-être (c’est un point sur lequel il ne convient pas d’insister ici) serait-il possible de trouver, le phénomène étant la seule réalité, une opposition entre le concret et l’abstrait, le réel et l’idéal, comme celle que réclament les belles démonstrations de M. Evellin. Nul doute qu’une telle conception ne présente aussi de grandes difficultés : il serait du moins intéressant de montrer que la théorie de M. Evellin ne tient pas indissolublement à une hypothèse métaphysique, qu’on peut l’en détacher sans la ruiner et que l’idéalisme s’en accommode aussi bien, sinon mieux, que le réalisme.

Victor Brochard.

W. Wundt. Grundzuege der physiologischen psychologie. Zweite völlig umgearbeitete Auflage, Leipzig, Engelmann. 1880. In-8°, 2 volumes, 489 et 472 p., avec 180 figures.

M. Wundt vient de publier une nouvelle édition de sa Psychologie physiologique, qui diffère sur beaucoup de points de la première édi-

  1. Histoire du Matérialisme, t. II, p. 58, trad. Pommerol.