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Mais, en les interprétant ainsi, est-il bien vrai, comme le prétend Pfleiderer, qu’on continue de croire en chrétien ?

Briefe von Benj. Constant, Guerres, Gœthe, Jac. Grimm, Guizot, F. H. Jacobi, Jean Paul, Klopstock, Schelling, Mme de Stael. G. H. Voss, etc., tirées des manuscrits posthumes de Ch. de Villers. (Edité par Isler. Hamburg. Messner. 1879.) Ansichten ueber Æsthetik und Litterateur von Wilh. v. Humbotdt. Seine Briefe an Kœrner (1795-1830). (Edité par Jonas. Berlin, Schleiermacher. 1880.)

Les intéressantes publications que nous annonçons éclairent d’une lumière inattendue l’opinion des contemporains de Kant sur sa philosophie. La correspondance de Ch. de Villers avec les penseurs les plus éminents de l’Allemagne et de la France nous permet de mesurer toutes les difficultés et l’étendue de la tâche qu’avait généreusement entreprise le premier interprète français de la philosophie critique. On y voit, en même temps, combien soudaine et profonde et universelle fut, sur les esprits distingués du temps, l’action de la doctrine nouvelle. « Kant et sa philosophie étaient dès 1788 le lieu commun des conversations et des correspondances. » — Ch. de Villers voulait rapprocher le génie français et le génie allemand, leur apprendre à se connaître et à s’estimer. H avait choisi, comme il dit modestement, « l’emploi de drogman philosophique », et se « faisait l’apôtre » de la doctrine kantienne, soit dans ses Lettres westphaliennes (1797), dans les articles qu’il insérait au Spectateur du Nord, dans son grand ouvrage : Philosophie de Kant ou principes fondamentaux de la philosophie transcendantale (Metz, 1801), comme dans le résumé qu’il fit, sur l’invitation de Napoléon, dans une brochure publiée sous le titre de Philosophie de Kant ; soit enfin dans l’opuscule intitulé Kant jugé par l’Institut, etc., par un disciple de Kant, Parts, an X. — La correspondance de Ch. de Villers avec Schelling et avec Mme de Stael sont les parties les plus curieuses du recueil.

On sait que Schelling avait jugé très sévèrement, dans le journal qu’il publiait avec Hegel, l’essai de Villers sur la philosophie de Kant. Voici ce qu’il lui disait dans une lettre : « L’idée que vous donnez dans votre livre de la philosophie de Kant est celle qui dominait en Allemagne il y a longtemps et qui est maintenant abandonnée. » Villers se défend avec vivacité, et réplique qu’il a dû accommoder son exposition d’une doctrine difficile aux habitudes du langage et de l’esprit français. Il ressort de sa correspondance avec Mme de Stael que le futur auteur de l’Allemagne avait été initiée par de Villers aux conceptions de la philosophie allemande. Mme de Stael croyait pouvoir sans difficulté concilier Locke et Kant à quoi de Villers répondait spirituellement : « Tandis que Condillac représente une statue gagnant des idées à mesure qu’elle acquiert un sens de plus, on aurait pu calculer tout ce que l’homme privé successivement de chacun de ses sens pourrait non seulement conserver, mais acquérir d’idées sans eux. » — La correspondance de Guill. de Humboldt avec Kœrner nous montre quelle