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darmesteter. — les cosmogonies aryennes

va sur Niflheim[1]. Séjour des dieux, séjour des démons et Niflheim sont primitivement une seule et même chose, le Niflheim même, la nuée, d’où naissent et la nuit et la lumière, et les démons et les dieux, et ce frêne universel est identique à celui que le paysan allemand aujourd’hui encore contemple au ciel dans l’arbre des tempêtes, le Wetterbaum : c’est le frêne de la nuée devenu principe cosmogonique[2]. Voilà pourquoi Yggdrasil est arrosé de blancs nuages et pourquoi de ses branches tombe la rosée des vallées[3]. L’arbre germanique pousse dans les mêmes régions, dans les mêmes eaux que le lotus indien. Que le monde sorte des rivières du Ginnungagap ou des branches de l’Yggdrasil, dans les deux cas nous nous trouvons reportés au vide nébuleux qui s’étend entre ciel et terre, dans ce que les Grecs appelaient le Chaos.

Chapitre V

Couples cosmogoniques.

§ 28. Le Ciel-Père et la Terre-Mère. — § 29. L’indistinction primitive. — § 30. Anaxagore. Le Νοῦς ; son identité avec πνεῦμα et Ἀήρ. — § 31. Anaximène. — § 32. Anaximandre.


§ 28. La mythologie indo-européenne possédait une autre série cosmologique, différente des précédentes, et qui, au lieu de prendre son point d’appui comme celles-ci dans les régions de l’atmosphère nébuleuse, le prenait dans les deux vis-à-vis de l’atmosphère : le Ciel et la Terre. Ce système est représenté par l’Inde, par la Grèce et par Rome.

Dans l’Inde védique, le Ciel-Père, Dyaus pitar, et la Terre-Mère, Prithiví mâtar, sont les parents universels :

« J’offre l’hymne et le sacrifice au Ciel et à la Terre, fondateurs de l’ordre, grands, intelligents êtres merveilleux qui ont les dieux pour enfants…

« J’adore, en leur offrant les libations, la pensée du Père non méchant et la puissance intime de la Mère, les deux parents féconds qui ont fait le monde et qui ont au large dans les générations déroulé l’Immortalité[4]. » Ailleurs le poète, se perdant dans la recherche de leur origine, s’écrie :

  1. Simrock, Deutsche Mythologie, p. 36, 4e éd.
  2. C’est une nymphe Μελία, qui ne s’est pas arrêtée dans son ambition et ne pas contentée de produire le feu et le premier homme, mais le monde entier. Les formules citées plus haut (§ 18, note) semblent se rattacher plus directement au mythe germanique.
  3. Et probablement les ondées de la pluie : ygrr signifie « ondée », et drasil semble signifier « qui porte ».
  4. R. V., 1, 159, 1-2.