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« Quel des deux fut le premier ? Quel le dernier ? Comment nés ? Ô sages, qui le sait ? Ils portent en eux toute créature qui est ; en eux roulent comme deux roues le Jour et la Nuit.

« Bien que ne marchant pas, ils conçoivent dans leur sein toute créature qui marche : bien que sans pied, toute créature qui a pied. Comme un fils caché dans le giron de sa mère, ô Ciel et Terre, protégez-nous de tout mal !…

« Puissions-nous marcher dans votre protection, n’étant jamais irrités, ô Ciel et Terre ! ô parents des dieux, père et mère des dieux ; dans les deux faces de la journée, protégez-nous de tout mal, ô Ciel et Terre[1] ! »

Cette génération du monde est la suite de l’hymen du Ciel et de la Terre. Ce sont surtout les deux mythologies classiques qui s’étendent sur ces images. « Le Ciel pur, saisi d’amour, veut blesser la Terre, et le désir saisit la terre de réaliser l’union nuptiale : la pluie tombant du ciel en amour a fécondé la Terre, et elle enfante pour les mortels les troupeaux qui les nourrissent et l’aliment de Déméter, et de l’hymen humide les arbres font mûrir leurs fruits[2]. Mêmes images à Rome, et chez les disciples des Grecs et chez les poètes populaires « Nous sommes tous, dit Lucrèce, enfants du germe céleste ; tous ont le même père, de qui la terre nourricière recevant les gouttes fluides, fécondée, enfante les brillantes moissons et les riches arbustes et la race humaine :

Denique cœlesti sumus omnes semine oriundi,
Omnibus ille idem pater est, unde alma liquentis
Umoris guttas mattter cum terra recepit,
Feta parit nitidas fruges arbustaques læta
Et genus humanum » (II, 991).

Tel dans les Géorgiques, « Ether, le Père tout-puissant, descend en pluies fécondes au sein de l’Épouse réjouie, et immense, se mêlant au corps immense, y va nourrir tous les germes :

Tum pater omnipotens fecundis imbribus œther
Conjugis in gremium lœtœ descendit et omnes
Magnus alit magno commixtus corpore fetus » (Georg., II, 325).

  1. R. V., 1, 185, 1, 2, 4.
  2. Ἐρᾷ μὲν ἁγνὸς οὐρανὸς τρῶσαι χθόνα,
    ἔρως δὲ γαῖαν λαμβάνει γάμου τυχεῖν·
    ὄμβος δ' ἀπ’ εὐνάεντος οὐρανοῦ πεσὼν
    ἔκυσε γαῖαν· ἡ δὲ τίκτεται βροτοῖς
    μήλων τε βοσκὰς καὶ βίον Δημήτριον·
    δενδρῶτις ὥρα δ’ ἐκ νοτίζοντος γάμου
    τέλείος ἔστι
    (Eschyle, les Danaïdes ; ap. Athénée, XIII, p. 600, A).

    L’hymen de Dyaush pitar et de Prithivî mâtar se retrouve textuellement transcrit dans l’hymen de Ζεὺς πάτηρ et de Δη-μήτηρ, (si δη), comme le veut la tradition grecque, est un synonyme de γῆ).