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Dr g. le bon. — la question des criminels.

Les rares expériences que je viens de citer, afin de mettre sous les yeux du lecteur tous les éléments de la question, ne sauraient donc prévaloir contre le fait précis, reconnu par les magistrats eux-mêmes, démontré par la statistique, que notre régime pénitentiaire, loin de protéger la société, ne fait que lui créer une armée d’ennemis. Cette armée grandit rapidement, et nous pouvons déjà prévoir te jour où les civilisations modernes n’arriveront à s’en défaire qu’au prix de quelques-unes de ces hécatombes gigantesques qui font frémir l’histoire.

Les conséquences de notre législation criminelle sont donc absolument funestes ; et pourtant, pour arriver à de tels résultats, la société met à la disposition de toute une catégorie d’individus, qui sont loin malheureusement de pouvoir être considérés comme les plus éclairés, des procédés dont la férocité froide rappellent absolument les temps les plus sombres de l’Inquisition espagnole. Il n’y a pas aujourd’hui dans les pays civilisés de souverain qui ait le droit de traiter le dernier de ses sujets comme le plus borné et le plus obscur de nos magistrats peut traiter les citoyens les plus considérables.

Dangereuse pour les citoyens les plus honnêtes, corruptrice pour des natures neutres qu’un autre régime eût pu améliorer, funeste pour la société, contre laquelle elle arme des légions de bandits de plus en plus nombreuses et qui menacent de la submerger un jour. telle est notre législation criminelle.

Nous venons de voir ce qu’est notre législation et ce qu’elle produit voyons ce qu’elle pourrait être, et certainement ce qu’elle sera un jour.

La nécessité impérieuse pour la société de se protéger contre les éléments destructeurs contenus dans son sein étant bien admise, et l’impossibilité d’amender les criminels par les moyens en usage étant également démontrée, nous nous trouvons forcément conduits à cette conclusion rigoureuse : qu’une société doit à tout prix éliminer de son sein les éléments trop dangereux pour elle. Le moyen d’arriver à ce résultat sans froisser nos sentiments d’humanité est en réalité très simple. Il suffirait de déporter tous les criminels dans une de ces nombreuses contrées lointaines, Afrique, Océanie, etc., que la civilisation n’a pas encore touchées. Je suis convaincu que le législateur de l’avenir, pénétré des lois de l’hérédité, sachant que la plupart des habitués des prisons et des bagnes sont des individus d’une constitution mentale spéciale apportée en naissant ou résultant d’un état pathologique déterminé sur lequel nous ne pouvons rien, laissant