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spencer. — des gouvernements composés.

divine, il possédait celle que conférait une prétendue approbation divine ; et, revêtu des insignes d’un dieu, il conservait jusqu’à la mort l’autorité absolue propre à la divinité. Mais outre que le choix, primitivement fait par le sénat, rentrait effectivement dans ses attributions en cas de vacance subite, et outre que chaque roi, désigné par son prédécesseur, devait être accepté par l’assemblée des bourgeois, ce pouvoir était exclusivement exécutif. L’assemblée des bourgeois « était légalement supérieure au roi plutôt qu’un pouvoir placé à côté du sien. » De plus, en dernier ressort s’exerçait le pouvoir encore supérieur du sénat, gardien de la loi, qui pouvait annuler la décision prise à la fois par le roi et les bourgeois. Ainsi la constitution était au fond une oligarchie de chefs de clans, enveloppée par une oligarchie de chefs de famille, oligarchie composée qui n’eut plus de contrepoids quand la royauté fut abolie. Il faut appuyer sur le fait, assez frappant et pourtant toujours oublié, que la république romaine, qui demeura quand la puissance royale eut pris un, différait totalement des gouvernements populaires avec lesquels on la range d’ordinaire. Les chefs de clans, qui formaient le corps gouvernant le plus restreint, comme les chefs de famille, qui formaient le corps gouvernant le plus étendu, étaient, il est vrai, jaloux du pouvoir les uns des autres ; par là, ils ressemblaient aux citoyens d’un Etat libre qui conservent individuellement des droits égaux. Mais ces chefs exerçaient chacun une puissance absolue sur les membres de leur famille, aussi bien que sur leur groupe de subordonnés. Une société dont les groupes élémentaires conservaient chacun leur autonomie interne, à ce point que l’autorité était absolue au sein de chacun d’eux, n’était pas autre chose qu’un agrégat de petits régimes despotiques. Des institutions qui donnaient au chef de chaque groupe, outre le droit de posséder des esclaves, une autorité sur sa femme et ses enfants, même ses fils mariés, telle que ceux-ci n’avaient pas plus de droits que des bêtes de somme et restaient à la discrétion d’un chef qui pouvait les mettre à mort ou les vendre comme esclaves, ces institutions ne sont des institutions libres que pour ceux qui confondent la ressemblance des formes extérieures avec celle de la structure interne[1].

La formation des gouvernements politiques composés dans les

  1. Je n’aurais pas cru nécessaire d’insister sur ce point, si l’on ne continuait pas à confondre des choses si complètement différentes. Dans ces dernières années paru un article de revue d’un historien, qui décrit la corruption de la république romaine durant les derniers temps, pour en tirer la morale que tels furent dans le passé et tels seront probablement dans l’avenir les fruits du gouvernement démocratique.