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ANALYSES. — r. ardigò.Lo studio della storia.

jour-là avec éclat pour la première fois dans l’enseignement public italien. Et cette manifestation a été accueillie avec enthousiasme par une partie considérable de la jeunesse studieuse des universités. L’opuscule est digne de cette sympathie.

Le professeur a fait allusion, en débutant, à l’histoire de son esprit, et il est passé de là à l’histoire de l’esprit humain en général. Les données que présentent la conscience actuelle de l’humanité sont de trois sortes : 1o tes lois psychiques abstraites, qui sont comme les rythmes éternels de la vie mentale, entièrement indépendantes de toute action du temps ; 2o les souvenirs, ou les accroissements reçus par la conscience depuis qu’elle se connaît et sait sa propre histoire ; 3o les éléments préhistoriques absorbés avant toute conscience et tout souvenir, et qui forment le fond inaperçu de la pensée. Laissant de côté les conditions abstraites universelles de l’activité mentale, Ardigò expose le développement de la pensée à travers le temps dans ses linéaments principaux. Il fait remarquer d’abord que la science n’est pas un état différent de la connaissance dite vulgaire, que celle-là n’est que la continuation de celle-ci, que par conséquent l’origine doit en être recherchée dans la première époque de la formation intellectuelle, dans le germe même de la faculté logique. La science n’est pas autre chose en effet que l’esprit humain sous son aspect logique et sa formation, qui se poursuit avec une extrême lenteur, est composée de périodes immenses, telles que la philosophie de Thalès peut être considérée comme le terme éminent d’une élaboration déjà lointaine, tandis que les dernières synthèses de la science actuelle ne sont que l’annonce d’un développement ultérieur infiniment plus riche dont elles donnent à peine l’idée. Cette évolution n’a d’ailleurs rien de nécessaire ; elle a été déterminée dans ses modes généraux et particuliers par les circonstances, et, si les circonstances avaient été autres, elle eût été différente aussi.

La philosophie n’est qu’une partie de cette évolution, comme l’histoire des mammifères n’est qu’une partie de l’histoire naturelle, II est vrai qu’elle en constitue le rameau le plus élevé et qu’elle résume toutes les phases inférieures de la vie mentale. C’est un sommet auquel ni toutes les races, ni tous les individus dans les races civilisées ne sont appelés à parvenir : mais tout esprit qui l’atteint a dû franchir les stades préparatoires et offre ainsi l’abrégé vivant de toutes les manifestations les plus lointaines et les plus variées de l’activité intellectuelle.

D’où l’importance de l’histoire de la philosophie : 1o Pour la science en général : car, si l’interdépendance de toutes les parties du savoir humain est telle qu’aucune ne peut changer sans que les autres en reçoivent le contre-coup, à plus forte raison la philosophie, qui occupe le centre de cet organisme, devra-t-elle se transformer d’âge en âge dans la mesure où se modifieront les sciences périphériques, et leur renvoyer à son tour, mais considérablement accrue, l’impulsion qu’elle aura reçue d’elles. Et qu’on n’oublie pas que ce qui se modifie ainsi, ce n’est pas le contenu inerte de l’esprit mais l’esprit lui-même, l’instrument de la