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ANALYSES. — ad. franck.Réformateurs et publicistes.

rait trop glorifier, en effet, l’auteur du Traité du droit de la paix et de la guerre. Le caractère est chez lui à ta hauteur M. Franckdu génie. Dans un siècle de penseurs tels que Descartes et Leibniz, il est encore parmi les premiers. Mais il était juste de revendiquer aussi les titres, trop oubliés peut-être, de ses disciples et successeurs, Pufendorf, Christian Thomasius, Cumberland, Barbeyrac. C’est ce qu’a fait M. Franck, avec la mesure la plus délicate, rendant à chacun ni plus ni moins que ce qui lui est dû.

Scientifiquement constitué par Grotius, le droit naturel ne pouvait manquer d’adversaires ; la solidité des principes de la nouvelle science sera en raison de la vigueur des attaques dont elle aura à triompher. Or ces attaques lui viennent des plus illustres, car, au nombre de ses ennemis, M. Franck nomme Hobbes, Spinoza, Bossuet, Fénelon. Sur Hobbes, il était difficile, après Jouffroy, M. Janet, d’être bien nouveau : l’auteur se contente de résumer, les objections sous lesquelles a depuis longtemps succombé le système du plus audacieux théoricien du pouvoir absolu. La critique de Spinoza nous a paru, dans sa nouveauté, fort remarquable. On voit souvent dans Spinoza un partisan de droit populaire, un apôtre de la liberté politique. Rien n’est plus faux. Le despotisme découle nécessairement du déterminisme absolu, qui est l’essence même de tout système panthéisme, et cette conséquence, un pareil logicien ne pouvait songer à s’y dérober. « Mais, demande M. Franck, sur quel point, dans quelle mesure, le despotisme est-il nécessaire avec Spinoza ? Est-ce dans la vie contemplative, c’est-à-dire dans l’exercice de notre raison, dans le développement de notre pensée, ou dans la vie active, extérieure, matérielle, dans le développement de nos passions ? Évidemment, ce ne peut pas être dans la vie contemplative, qui est pure, innocente et qui d’ailleurs échappe par sa nature à toute contrainte. Le despotisme, ou, comme l’appelle Spinoza, l’exercice de la souveraineté n’est nécessaire que contre les passions. Défendre la liberté en matière intellectuelle et le pouvoir absolu en matière civile, laisser la pensée indépendante et donner à l’État une autorité absolue sur les actions, ou soumettre entièrement l’individu à la communauté, tels sont les deux principes essentiels de la politique de Spinoza, »

Sans se laisser éblouir par le grand nom de Bossuet, M. Franck dénonce sous l’évoque le courtisan et flétrit comme elle le mérite la Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte. Il n’est pas moins sévère pour les théories oligarquiques de Fénelon et pour cette chimérique conception de Salente qui prétend faire revivre jusqu’aux castes de l’ancienne Égypte.

Mais nous sommes à la fin du xviie siècle, de ce siècle qui avait vu naître la science du droit naturel. Un homme devait se rencontrer qui, unissant le génie le plus profond à l’érudition la plus étendue, constituerait définitivement la science nouvelle sur des principes inébranlables. Ce fut l’œuvre de Leibnitz. Une étude sur la philosophie du