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facultés sensorielles chez les différents animaux. Il examine successivement les sensations visuelles, auditives, tactiles, puis le sens de l’odorat et un sens particulier qu’il appelle sens de direction et qui, d’après lui, expliquerait les migrations des oiseaux voyageurs et la singulière faculté que possèdent le chat, le chien et le cheval de revenir à la maison de leur maître à travers un pays inconnu. On peut s’étonner qu’à ce propos l’auteur n’ait pas songé à citer l’hypothèse de M. Delbœuf sur l’existence d’un sens d’orientation ou sens polaire (voy. Théorie générale de la sensibilité, Bruxelles, 1876, p. 16).

Toutes les remarques de M. Bastian sur ces différentes questions sont d’une rare justesse et d’une grande précision. Il est regrettable toutefois que sur l’origine de la conscience il n’arrive pas à une théorie positive. S’il avait associé la physiologie à l’anatomie, peut-être aurait-il parfait sa doctrine. Les recherches sur la durée des actes psychiques nécessaire pour que ces actes deviennent conscients, la thèse de Herzen sur la désintégration des centres nerveux, les expériences de Mosso sur les rapports entre la circulation cérébrale et la pensée[1], pouvaient éclairer utilement les dissertations histologiques.

Le chapitre XIV traite de l’instinct. L’instinct, ainsi que l’a montré H. Spencer, est une acquisition héréditaire, cela ne fait pas doute pour l’auteur. Les instincts n’ont pas ce caractère fixe et inaltérable par lequel on a voulu les distinguer des facultés supérieures de la race humaine. M. Bastian cite des exemples remarquables de la plasticité de l’instinct, d’après Spalding et Romanes (pp. 479-181).

Au chapitre XV, on trouve des considérations sur la présence chez les animaux des facultés dites supérieures, telles que la raison, l’imagination, la volition. M. Bastian examine ces facultés chez les abeilles, les fourmis, les oiseaux. Il dépossède, à la suite de Lubbock, les abeilles de l’intelligence qu’on leur avait trop libéralement accordée.

Il reste encore à décrire le cerveau des mammifères. C’est l’objet du chapitre XVI, assez étendu. Il faut y signaler surtout l’étude de l’arrangement des circonvolutions. Bastian estime que la comparaison de la complexité des circonvolutions n’a guère de valeur que lorsqu’il s’agit d’espèces alliées de près ; c’est pour cela que cette comparaison prend un vif intérêt quand elle est faite chez les différentes races humaines,

Un chapitre spécial est consacré au cerveau des quadrumanes.

Enfin M. Bastian étudie les facultés et capacités mentales des animaux supérieurs (ch. XVIII). Ici encore, on vérifie le fait que l’intelligence ou la raison, aussi bien que l’émotion, sont dans un étroit rapport avec le développement de l’activité sensorielle. Du chien, M. Bastian cite, bien entendu, quelques faits de moralité (pp. 243, 244), bons à placer à côté de ceux que l’on connaît déjà. Mais c’est surtout l’intelligence des éléphants et, plus encore, celle des singes qui font les frais de ce chapitre.

  1. Voy. l’article sur les recherches de Mosso, Revue philosop. de fév. 1882.