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ANALYSES. — CH. BASTIAN. Le cerveau.

Le second volume s’ouvre par un exposé du développement graduel du cerveau humain pendant la vie intra-utérine. Au point de vue histologique, M. Bastian admet, avec Lockhart Clarke, le fait important de l’identité de forme des cellules nerveuses dans le cerveau fœtal. — Puis, avant de décrire la configuration externe du cerveau, l’auteur en mesure le volume et le poids. Le volume varie dans de certaines limites suivant la taille. D’accord avec Vogt et avec le Dr G. Le Bon, M. Bastian signale aussi l’augmentation, suivant le développement de la race, de la différence qui existe entre les sexes au point de vue de la capacité crânienne, Ce fait est bien en rapport avec les observations d’après lesquelles moins la civilisation est avancée, plus les occupations des deux sexes sont semblables. Dans un récent article de la Revue scientifique, le Dr Le Bon apportait encore des preuves à l’appui de cette thèse. Quant à la plus faible capacité crânienne de la femme, sauf exceptions, peut-être conviendrait-il, avant d’en faire, comme Bastian, un vice naturel, de remarquer que, à mesure que la civilisation se développait, le rôle intellectuel et social de la femme diminuait d’importance ; est-ce le moindre développement crânien qui a déterminé la condition médiocre de la femme, ou cette condition qui, imposée par l’homme pendant de longs siècles, a eu les effets organiques que nous constatons aujourd’hui ? — Une semblable différence est en faveur de l’homme pour le poids du cerveau. Le poids moyen de cet organe s’accroit jusqu’à une époque située entre la vingtième et la quarantième année, ce qui s’accorde parfaitement, ainsi que le remarquait Broca, avec ce que nous savons de la continuation du développement intellectuel durant toute cette période. Chez les races mélaniques et inférieures, le cerveau est plus petit. « Le poids du cerveau de l’homme nègre, dit Thurnam, est le même que celui de la femme européenne. » Il y a une limite inférieure de poids compatible avec l’intelligence ordinaire. Mais il n’y a pas de relation invariable ou nécessaire entre le poids absolu du cerveau et le degré d’intelligence. Ce qui prouve réellement les supériorités de race ou de classe, c’est, comme l’a démontré le Dr Le Bon pour les capacités crâniennes, la proportion plus grande des cerveaux lourds. « Le cerveau, écrit M. Bastian avec une sage réserve scientifique, est différent de tous les autres organes du corps. C’est souvent une masse de virtualités structurales plutôt que de tissus nerveux pleinement développés. Quelques-uns de ses éléments, ceux qui ont trait aux opérations instinctives les mieux établies, arrivent naturellement jusqu’à leur développement complet, sans l’aide de stimuli extrinsèques ; mais d’autres, et de grandes étendues de ceux-ci, semblent n’arriver à de pareils développements que sous l’influence de stimuli appropriés. Il suit de là que des aptitudes naturelles et des virtualités de l’ordre le plus subtil peuvent ne jamais se manifester chez des multitudes de personnes, uniquement par le manque de stimuli appropriés et de pratique capable de perfectionner le développement et l’activité fonctionnelle des régions du cerveau dont l’action est