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ANALYSES. — CH. BASTIAN. Le cerveau.

dans l’hémianesthésie, bien que les fonctions sensorielles ne subsistent plus que d’un seul côté, la conscience générale de l’individu ne semble point affectée ; en effet, grâce à l’activité du corps calleux, les excitations qui parviennent à un côté du cerveau peuvent se propager à l’autre.

Malgré cette unification, les hémisphères peuvent fonctionner d’une manière plus ou moins indépendante. De cette indépendance fonctionnelle résulte probablement le phénomène connu sous le nom de double conscience. On sait que cette hypothèse a été proposée déjà par le Dr Luys pour l’explication du cas célèbre de Félida X…, observé par le professeur Azam, de Bordeaux. On peut regretter que M. Bastian n’étudie pas très complètement cette question si intéressante du dédoublement de là conscience.

Quelles sont maintenant les relations fonctionnelles du cervelet avec les hémisphères cérébraux et la moelle ? L’auteur critique les nombreuses opinions proposées sur les fonctions du cervelet : pour lui, c’est un centre moteur qui renforce et régularise la distribution des courants centrifuges dans les actes volontaires et automatiques. « Si, dit-il, la fonction du cervelet est uniquement de décharger ou d’émettre de l’énergie moléculaire pour déterminer des mouvements musculaires en réponse, soit à des incitations volitionnelles nettement localisées, lui venant des hémisphères cérébraux, soit à des impressions également bien localisées, quoiqu’inconscientes, venant des noyaux sensitifs les plus variés situés à la base du cerveau et dans la moelle, nous pouvons nous attendre à ce que sa structure microscopique soit pratiquement la même dans toutes les parties de sa substance grise superficielle si étendue et si repliée, — et c’est là ce que nous trouvons en réalité. » Il convient de remarquer que cette théorie n’est peut-être pas très différente de celle du Dr Luys, que Bastian combat pourtant (voy. Le cerveau et ses fonctions, p. 43).

Le chapitre XXV est un des plus importants de tout l’ouvrage ; c’est la question des localisations cérébrales qui y est traitée avec une magistrale ampleur. Cette étude est précédée de l’exposition brève des opinions anciennes sur la structure et les fonctions du cerveau. Comme cette revue historique ne veut donner que le principal, on serait peu fondé à constater des lacunes ; pourtant comment ne trouve-t-on pas à côté des idées d’Aristote celles de Platon sur la nature et le rôle du cerveau ? M. Bastian insiste sur la théorie des esprits animaux, qui effectivement a joué longtemps un grand rôle dans la physiologie nerveuse. Il considère Prochaska comme ayant le premier décrit complètement la nature des mouvements réflexes. Mais on sait que Descartes, plus d’un siècle auparavant, avait décrit avec une précision étonnante, dans son Traité de l’homme, le mécanisme des actions réflexes, parlant même d’esprits réfléchis ; et Willis, ainsi que le remarque justement M. Huxley, avait compris l’importance de cette théorie, puisqu’il attira l’attention dans son De anima brulorum sur cette réflexion du