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ANALYSES. — CH. BASTIAN. Le cerveau.

tionnelles de nature pratiquement semblable, bien qu’à des degrés différents de complexité chez les divers individus… La division en lobes est, pour la plus grande partie, une division entièrement artificielle ; et la substance grise de la région antérieure est, comme nous l’avons vu, en relation intime avec la substance grise des parties moyennes et postérieures des hémisphères ; de sorte que, de même que notre nature psychique se compose d’un grand réseau compliqué, mais continu, dans lequel sont compris à la fois les sensations, les perceptions, les jugements, les émotions et les volitions, de même l’organe physique qui y correspond est aussi représenté par le réseau le plus compliqué et le plus inextricable de cellules et de fibres nerveuses, réciproquement liées et mises en relations fonctionnelles les unes avec les autres… Perception, intellect, émotion et volition sont si intimement associés dans nos processus mentaux ordinaires que, si nous voulions essayer de dresser une carte définie de leurs territoires, de manière à assigner une province séparée des hémisphères cérébraux à chacune de ces grandes divisions de l’esprit, nous tomberions probablement dans une erreur grave. » On remarquera que ces dernières lignes sont plutôt une description qu’un raisonnement et ne prouvent pas contre des localisations distinctes, puisque tous les physiologistes admettent des relations entre les différents territoires de l’encéphale.

Si maintenant on passe à l’examen des localisations particulières, on trouvera une aussi grande divergence de vues. En ce qui concerne les centres perceptifs, par exemple, chez l’homme, des lésions corticales n’intéressant qu’un seul hémisphère n’ont pas encore paru nettement associées à la perte de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, de l’un ou de l’autre côté du corps. Cependant Ferrier, par des expériences sur les animaux, croit pouvoir conclure à l’existence de ces centres perceptifs. Quant à la localisation des impressions viscérales, elle est encore plus douteuse, quoiqu’il soit certain que ces impressions exercent une grande influence sur le cours général de nos pensées et de nos actions.

Reste la localisation des impressions tactiles. Ici intervient la question du sens musculaire, que Bastian a surtout étudiée dans un appendice intéressant placé à la fin du volume. Il en donne d’abord un historique très complet, puis il critique toutes les théories émises. Il réfute particulièrement celle de Bain et de Wundt, qui soutiennent que nous avons conscience des contractions musculaires, indépendamment des impressions centripètes dues aux contractions elles-mêmes. D. Ferrier (voy. Les fonctions du cerveau) a brillamment démontré que l’appréciation musculaire ne dépend pas de l’acte volitionnel, puisqu’elle peut s’exercer lorsqu’on fait contracter artificiellement les muscles en les excitant par l’électricité, et il a prouvé que, dans tous les cas, la conscience de l’effort est conditionnée par le fait actuel de la contraction musculaire. M. Bastian fait une démonstration du même genre. On re-