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H. MARION. — françois glisson

est l’essence même de la vie, est déjà donnée pour telle par Glisson. La vie est immanente à la matière des semences, au grain de blé comme à l’œuf : « Dirigée par l’idée de la plante ou de l’animal à former, elle accomplit son œuvre d’une manière simple, directe et nécessaire, sans art ni dessein réfléchi, sans délibération ni raisonnement… Voilà la vraie force plastique, l’archée de Van Helmont, la nature curatrice d’Hippocrate ; car cette vie naturelle ne s’évanouit pas et ne quitte pas le corps, une fois la plante ou l’animal formé… C’est elle qui répare les organes, cicatrise les blessures, élimine les parties inutiles ou nuisibles, conserve autant que possible ce qui est conforme à la nature[1]. » Et ailleurs : « L’idée de la plante ou de l’animal que la nature a en vue précède la plante et l’animal et concourt comme cause exemplaire à sa formation. Ainsi, dans l’œuf, l’idée du poulet est antérieure au poulet ; car l’œuf fécondé contient en acte l’idée du poulet futur, mais le poulet n’y est encore qu’en puissance, La première idée du poulet contient donc toute la série des états par lesquels il passera et représente par anticipation tous ses changements naturels… La matière a beau se renouveler insensiblement, toujours les particules nouvelles, avant d’entrer dans la substance de l’individu, sont comme domptées par lui et forcées de se soumettre à son idée[2]. » — « Quand un poulet se développe dans un œuf, dit de même CI. Bernard…, ce qui est essentiellement du domaine de la vie et ce qui n’appartient ni à la chimie, ni à la physique, ni à rien autre chose, c’est l’idée directrice de cette évolution vitale. Dans tout germe vivant, il y a une idée créatrice qui se développe et se manifeste par l’organisation. Pendant toute sa durée, l’être vivant reste sous l’influence de cette même force vitale créatrice, et la mort arrive lorsqu’elle ne peut plus se réaliser. Ici comme partout, tout dérive de l’idée, qui, elle seule, crée et dirige ; les moyens de manifestation physico-chimiques sont communs à tous les phénomènes de la nature et restent confondus pêle-mèêle, comme les caractères de l’alphabet dans une boîte où une force va les chercher pour exprimer les pensées où les mécanismes les plus divers. C’est toujours cette même idée vitale qui conserve l’être, en reconstituant les parties vivantes désorganisées par l’exercice ou détruites par les accidents ou par les maladies[3]. »

    fût faite. Notre travail une fois commencé, il avait voulu avoir, au fur et à mesure, communication des passages relatifs à la philosophie de la vie.

  1. Ad Lect., 13-18.
  2. Cf. Leibn. : « Licet ea machina in fluxu consistat perpetuoque reparetur ut navis Thesei… »
  3. Cl. Bernard, Introd. à l’ét. de la méd. expériment., p. 151 et suiv.