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rection  ; et ils doivent connaître l’angle que cette direction fait avec leur route, pour pouvoir se diriger. C’est à cela que servent les cartes ; et, si l’on conçoit des animaux doués d’un sens qui leur permette de reconnaître seulement la direction du nord magnétique, ces animaux auront bien une notion constante du nord ; mais ne seront capables de revenir à leur point de départ, qu’autant qu’ils auront gardé une mémoire exacte de la longueur des lignes parcourues dans telle ou telle direction ; absolument comme un marin, naviguant à l’estime, est tenu d’inscrire avec soin la longueur aussi bien que la direction de toutes ses loxodromies. Ceci exigerait pour le moins une perception constante, et une prodigieuse mémoire[1] ; et ne correspond guère, en tout cas, à la simplicité de notion dont je parlais plus haut. Mais le magnétisme terrestre nous fournit d’autres indications. Si nous supposons un animal à même de percevoir les influences qui dirigent l’aiguille d’une boussole d’inclinaison, la position de cet animal demeurant toujours pratiquement la même par rapport à la verticale du lieu, il sera capable de reconnaître les différences d’intensité qui causent les variations de l’angle que nous mesurons à l’aide de cette boussole, angle qui varie, on le sait, depuis 0º aux pôles magnétiques, jusqu’à 90° à l’équateur magnétique[2]. Il pourra ainsi reconnaître la direction où cet angle varie le plus vite (méridien magnétique, ou ligne isogone) et celle où il reste constant (parallèle magnétique, ou ligne isocline). Enfin, il est encore d’autres informations que nous tirons de l’usage de nos instruments, et que l’on peut supposer perceptibles par un organe approprié. Je veux parler des variations de l’intensité magnétique[3]. Si l’on écarte de sa position d’équilibre l’aiguille d’une boussole de déclinaison, cette aiguille y revient par une série d’oscillations qui dénote une force variable suivant les lieux. En réunissant entre eux tous les points où cette force se montre égale, nous arrivons à tracer sur nos cartes une série de lignes (isodynames) qui ne se confondent ni avec les isogones, ni avec les isoclines, bien que se développant à peu près dans le même sens que ces dernières. On peut donc admettre qu’un lieu serait déterminé, pour un animal doué d’un sens magnétique

  1. À combien de détours la recherche de sa nourriture ne peut-elle pas entraîner l’animal migrateur ?
  2. Sur nos cartes, les isoclines sont numérotés par les angles avec l’horizontale, et comptés par conséquent de 0°, à l’équateur, à 90°, aux pôles.
  3. L’aiguille de la boussole de déclinaison étant suspendue dans un état d’équilibre indifférent, il faut savoir non seulement la direction qu’elle prend, mais la force qui l’y maintient, pour avoir des notions comparables à celles que donne l’aiguille d’inclinaison, qui, elle, prendrait toujours une direction constante sous l’action de la pesanteur, si elle n’était influencée par les forces magnétiques.