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ANALYSES. — THURY. Succession des espèces.

opposition aux théories darwinistes de la sélection, était condamnée d’avance par M. Thury. Elle revient à penser que des œufs, fécondés où non, pourraient (et par conséquent devraient) dans certaines circonstances subir un excès de développement et donner naissance à une forme supérieure. On a cru trouver une confirmation de cette idée dans le fait que certaines formes inférieures sont presque identiques au jeune âge de formes plus élevées. M. Thury répugne à ces deux espèces d’œufs différents, formés et nourris dans la même matrice. Les mères seraient quelquefois plus petites que leurs nourrissons ; ou bien ceux-ci se tourneraient contre elles en ennemis. Les espèces les plus rapprochées comme type habitent souvent des contrées ou des milieux différents. Les gisements semblent parfois indiquer un inter valle entre l’extinction de l’une et l’apparition de l’autre, Ces considérations tout empiriques rendent improbable l’opinion discutée ; l’auteur, qui les note d’un mot, se garde bien d’en avancer d’autres : mais il est aisé de comprendre que son esprit philosophique ne saurait accepter l’idée d’une seule et même fonction servant à deux fins aussi différentes que la continuation de la même espèce et la production d’une espèce nouvelle. C’est la permanence des espèces qu’on veut faire entendre, car c’est elle jusqu’ici qui ressort de l’expérience ; or, à moins que l’espèce ne diffère pas essentiellement de la variété, il est naturel d’admettre que la cause soit différente quand l’effet est essentiellement différent. M. Thury tient à sa proportion : Le germe d’espèce diffère de l’œuf ordinaire, comme l’œuf diffère du bourgeon. D’ailleurs, comme il a pris la peine de le rappeler en particulier à l’auteur de cette analyse, on objecte avec raison à l’hétérogénie de Kölliker que l’analogie des métamorphoses el des dérivations hétéromorphes observables dans le monde actuel, dont elle s’autorise, est purement spécieuse. La métamorphose, en effet, ne fixe pas le type nouveau, qui revient bientôt après à ses origines, ce qui donne lieu à un développement cyclique et non au développement progressif qu’il s’agit d’expliquer.

Si le germe d’espèce tire la matière de son développement du dehors et non de l’organisme maternel, il peut le faire à la manière des animaux, qui empruntent de la matière déjà organisée, ou à la manière des plantes, qui empruntent de la matière inorganique.

    loi de développement générale, les êtres organisés (créatures) tirent des germes produits par eux d’autres êtres qui en différent,

    Ce qui pourrait arriver :

    1o Par le fait que des œufs fécondés s’élèveraient à des formes supérieures au cours de leur developpement sous l’influence de circonstances particulières ;

    2o Que les organismes primitifs et postérieurs produiraient d’autres organismes au moyen de germes non fécondés.

    Les mérites attribués à cette hypothèse ressemblent, on le comprend, à ceux qu’on va voir M. Thury réclamer pour la sienne. Aux faits touchés dans le texte qui tendent a la rendre plausible, il faut joindre l’extrême différence qu’offrent les deux sexes dans certaines espèces d’animaux.