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Pour que la première alternative se réalisât, il faudrait que le germe fût organisé de manière à pouvoir manger à peu près dès l’instant où il se détacherait de l’organisme qui l’a produit. Mais cet animal se nourrissant ne saurait être l’espèce subséquente sous sa forme définitive, si la gestation d’un embryon hétérogène est écartée, Il pourrait être une larve ou un premier degré de métamorphose de l’espèce nouvelle, qui sortirait de lui par un ou plusieurs déboîtements.

« Dans la seconde alternative, le germe végète d’abord à la manière de la plante, recueillant de l’air et du sol, puis élaborant dans ses tissus les éléments chimiques du corps futur, et après cette période de vie pro-embryonnaire qui attire à lui les matériaux élaborés (albumine, fibrine, etc.), comme le fruit des champignons se développe aux dépens du mycélium, et qui développe une existence animale dans son sein, semblable au lotus mystique des traditions de l’Inde. Les découvertes modernes relatives à l’unité des deux règnes organiques, ôtent certainement à une telle hypothèse ce qu’elle aurait eu d’impossible pour nos devanciers. »

Suivant cette donnée, qui ne suppose assurément pas une action chimique plus compliquée et moins vérifiable que la génération spontanée, le premier germe de l’homme, legs de quelque animal semblable au singe, aurait d’abord végété comme plante, recueillant la poudre de la terre pour l’élaborer. On comprendrait de même qu’après la mort de l’homme, un germe tellurique demeurât inaltéré dans le sol, pour trouver un jour, semence incorruptible, les conditions de son développement.

Après avoir énuméré toutes les manières suivant lesquelles il est possible de déterminer l’hypothèse générale d’un lien organique entre les espèces, l’auteur refusait d’abord de choisir entre elles, laissant à ses lecteurs le soin d’effacer celles qui leur paraîtraient décidément invraisemblables, et de voir si quelqu’une resterait debout. Il était aisé cependant de constater ses préférences. Dans l’article de cette année-ci, M. Thury s’identifie à la dernière énoncée et s’applique à la développer presque autant qu’à la défendre. Voici les termes dans lesquels il finit par la résumer :

« Aux époques palingénésiques de la terre, il se fait dans quelques individus un lent travail d’élaboration de germes d’ordre spécial, qui s’organisent sous l’influence de causes internes préparées durant plusieurs générations, et de causes externes résultant, soit d’une action particulière d’espèces différentes, soit de l’influence du milieu ambiant. Ces germes sont mis en liberté par la mort des êtres, et ils se développent en vertu de leur force propre à l’aurore des temps nouveaux qui succèdent aux époques de crise.

« Alors toutes les phases de l’être complet sont successivement parcourues ; c’est pourquoi le germe qui devra fournir un animal se développe d’abord comme plante, laquelle combine, rassemble, élabore la matière organique nécessaire au développement de l’animal. En réalité