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à-dire puisque tous tendaient à se propager imitativement suivant une progression géométrique, comme toute onde lumineuse ou sonore, comme toute espèce animale ou végétale.

Indiquons maintenant un nouvel ordre d’analogies. Les imitations {mots d’une langue, mythes d’une religion, secrets d’un art militaire, formes littéraires, etc.) se modifient en passant d’une race ou d’une nation à une autre, des Hindous aux Germains par exemple ou des Latins aux Gaulois, comme les ondes physiques ou les types vivants en passant d’un milieu à un autre. Dans certains cas, les modifications constatées de la sorte ont été assez nombreuses pour permettre de remarquer le sens général et uniforme suivant lequel elles s’opèrent. C’est le cas des langues notamment : aussi peut-on dire des lois de Grimm et mieux encore de Raynouard en philologie que ce sont des lois de réfraction linguistique. Mais ce sujet nous mènerait trop loin.

Il y a des interférences d’imitations, de choses sociales, aussi bien que des interférences d’ondes et de types vivants. Quand deux ondes, deux choses physiques à peu près semblables, après s’être propagées séparément à partir de deux foyers distincts, viennent à se rencontrer dans un même être physique, dans une même particule de matière, leurs impulsions se fortifient ou se neutralisent, suivant qu’elles ont lieu dans le même sens ou en deux sens précisément contraires sur la même ligne droite. Dans le premier cas, une onde nouvelle, complexe et plus forte surgit, qui tend elle-même à se propager. Dans le second cas, il y a lutte et destruction partielle jusqu’à ce que l’une des deux rivales l’emporte sur l’autre. De même, quand, après s’être reproduits séparément de génération en génération, deux types spécifiques assez voisins, deux choses vitales, viennent à se rencontrer, non pas simplement en un même lieu (des animaux différents qui se battent ou se mangent), ce qui serait une rencontre purement physique, mais en outre, en un même être vital, en une même cellule ovulaire fécondée par un accouplement hybride, seul genre de rencontre et d’interférence vraiment vital, on sait ce qui arrive alors : ou bien le produit d’une vitalité supérieure à celle de ses parents, et en même temps plus fécond et plus prolifique, transmet à une postérité toujours plus nombreuse ses caractères distinctifs, véritable découverte de la vie ; ou bien, plus ou moins chétif, il donne le jour à quelques descendants abâtardis où les caractères incompatibles des progéniteurs, violemment rapprochés, ne tardent pas à opérer leur divorce par le triomphe définitif de l’un et l’expulsion de l’autre. — De même encore, quand deux croyances et deux désirs ou un désir et une croyance, quand deux choses sociales