Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
C. VIGUIER. — le sens de l’orientation

membraneux à l’aide d’un brin de laminaire, ouvrir même l’utricule et laisser écouler la plus grande partie de l’endolymphe, sans déterminer en rien les phénomènes de Flourens, qui se produisent au contraire nettement dès que l’on pique ou l’on coupe le canal. Ces expériences sont bien autrement probantes que l’objection tirée des variations de pression dues aux battements du cœur ; ces variations de pression se transmettant simultanément aux six canaux, comme le fait remarquer avec raison M. Brown. Elles sont même, à mes yeux, plus décisives que la persistance du vertige après la section complète de la huitième paire. Je suis en effet très porté à croire, avec M. Brown, qu’il pourrait y avoir encore du vertige, même après la suppression d’un organe qui serait spécialement destiné à nous renseigner sur les mouvements de rotation de notre tête. Comme il le dit avec raison, une sensation très forte est sentie en dehors de l’organe destiné à la recueillir. Des personnes absolument sourdes peupent encore percevoir des bruits très violents, par les vibrations qui sont transmises à leur corps ; et je crois que Purkinje était assez dans le vrai en expliquant les phénomènes de vertige produits par une rotation violente, et auxquels on donne parfois son nom, par des variations de pression à la surface du cerveau. Cela n’empêcherait pas qu’il y eût un organe spécialement disposé pour nous renseigner sur les mouvements de rotation ; mais les sensations plus délicates, habituellement données par cet organe sensoriel, seraient, dans les cas de vertige de Purkinje, éclipsées par les sensations plus fortes provenant de la pression inégale du cerveau et peut-être, comme le dit M. Brown, de toutes les parties molles et mobiles du corps ; et ces dernières impressions, subsistant seules après la destruction de l’organe sensoriel spécial, suffiraient encore à produire la sensation vertigineuse. Les expériences que j’ai faites m’autoriseraient en effet à supposer qu’il existe dans le vertige de Purkinje, que j’appellerai vertige total, des sensations de nature fort diverse. Nous y reviendrons tout à l’heure ; mais, pour terminer cette revue des divers auteurs, il nous reste à rappeler les idées de M. Cyon.

Pour lui, les canaux sont l’organe périphérique d’un sens de l’espace, et le nerf vestibulaire doit être nommé nerf de l’espace. La disposition des canaux dans trois plans perpendiculaires entre eux l’a frappé ; et, pour lui, ces organes sont destinés à nous donner des sensations correspondant à chacune des trois coordonnées de l’espace ; sensations inconscientes, à l’aide desquelles nous nous construisons un espace idéal, auquel nous rapportons ensuite tout le monde extérieur.

On a beaucoup discuté parmi les physiciens, les physiologistes, et