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ces deux mots. — La théorie de M. Janet semble supprimer la difficulté, puisque les deux sens différents sont ramenés à un seul ; mais serait-elle vraie, — ce que je ne crois pas, — l’étudiant peut difficilement se l’assimiler puisqu’il doit approfondir la théorie avant de bien entendre le sens des mots.

Il y a cependant un moyen d’éviter la difficulté. Ce moyen est indiqué par Hamilton[1].

Définissons l’analyse : le procédé de l’esprit qui va du composé au simple ; la synthèse se définira : le procédé qui va du simple au composé. — Cela fait, remarquons que tout objet, concret ou abstrait, singulier ou général, imaginaire ou réel, n’est qu’une idée au regard de l’esprit.

Or toute idée peut être considérée sous deux aspects différents : sous le rapport de son extension, ou sous celui de sa compréhension. Soit l’idée d’homme, je puis en la pensant penser aux millions d’êtres humains qui peuplent la terre, ou seulement à ses quatre connotations essentielles : animal, vertébré, mammifère, bimane.

Si donc de l’idée homme je vais à l’idée Européen, je vais du composé au simple par rapport à l’extension, je fais une analyse extensive, mais je fais en même temps une synthèse, car je vais d’un petit nombre d’attributs à un plus grand nombre ; seulement, cette synthèse est compréhensive.

De même, aller des effets aux causes, c’est faire une analyse compréhensive, et Newton avait raison ; mais c’est aussi faire une synthèse extensive, et Hooke n’avait pas tort.

Port-Royal définit l’analyse du point de vue compréhensif, Condillac au contraire du point de vue extensif. Ce que D. Stewart appelle analyse dans les sciences naturelles est une analyse extensive.

D’après cela, on peut dire que l’induction est une analyse compréhensive et une synthèse extensive ; au contraire, la déduction est une analyse extensive et une synthèse compréhensive.

Si l’on est surpris que l’analyse, dans l’ordre de l’extension, soit constamment une synthèse dans l’ordre de la compréhension, et réciproquement, qu’on veuille bien se souvenir de cette loi de logique : Plus une idée a d’extension, moins elle a de compréhension. Par conséquent, ce qui est composé au regard de l’extension doit être simple au regard de la compréhension, et vice versa. Ainsi s’expliquent les oppositions qui existent entre les sens des mots analyse et synthèse. Ces oppositions devaient logiquement exister, du moment qu’on n’avait qu’un seul mot pour désigner deux choses toutes différentes.

Mais l’analyse et la synthèse mathématiques sont-elles ainsi nommées par rapport à la compréhension ou par rapport à l’extension ? — Je réponds : Ni par rapport à l’une, ni par rapport à l’autre. Les rapports de compréhension et d’extension ne peuvent exister que là où les idées sont prises selon les relations d’individu à espèce, d’espèce à genre, et

  1. Lectures on logic, lect. XXIV, t.  II, p. 5.