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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Fritz Schulize. Philosophie der Naturwissenschaft. Eine, philosophische Einleitung in das Studium der Natur u. irher Wissenschaften. Leipzig, Günther, 1881-1882, 2 vol.  in 8o.

L’auteur de ce très remarquable livre d’histoire et de critique est, à tous égards, un homme d’infiniment de savoir, d’une vigueur et d’une étendue d’esprit peu communes, et, si un pareil éloge ne paraît pas superflu, d’un rare talent d’écrivain. Un rapide coup d’œil sur l’œuvre, qui est considérable, permettra d’en embrasser le plan général, sinon de suivre les mille complications savantes du dessin.

S’il faut commencer par une critique, ce qui est toujours d’un bon augure, on peut s’étonner de rencontrer, chez un auteur dont la judiciaire est si solide, d’étranges illusions sur la portée pratique du genre d’études qu’il cultive, une foi un peu jeune et naïve dans la réconciliation finale de la science, de la philosophie et de la foi, bref, un optimisme qui devient presque lyrique. Ainsi, dans la préface, l’auteur revendique pour la philosophie le rôle d’éducatrice ; il lui reproche fort d’oublier en quelque sorte et son apostolat social et la maîtrise qu’elle doit exercer sur les esprits. La philosophie est, selon lui, l’auxiliaire du progrès et de la liberté, le flambeau de la raison. Grâce à cet abandon, qu’il déplore, l’humanité va devenir la proie du matérialisme ou du mysticisme. Nous pensons que M. Schultze se fait quelque illusion sur les dangers que court la société, ainsi abandonnée et livrée aux pièges et aux séductions de croyances qui toujours ont eu le don, après tout, de la consoler ou d’endormir ses souffrances.

Quant aux robustes esprits des temps nouveaux, trop occupés des choses de ce monde pour avoir le loisir de songer à celles de l’éternité, ou pour écouter les voix intérieures qui gémissent et se lamentent dans l’âme des rêveurs et des mystiques, ils n’ont certes aucun besoin de cette philosophie, que M. Schultze leur veut apporter comme une sorte d’évangile du progrès. Peut-être même poussent-ils le mauvais goût jusqu’à trouver naïve une si touchante sollicitude. Loin de faire à la philosophie un crime de son isolement et de son dédain transcendant, il faudrait bien plutôt l’en féliciter. La philosophie n’est pas une religion ; elle n’est point propre à diriger les consciences. Loin de prétendre à