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pique point d’être métaphysicien, au contraire, nous inclinerions à croire que personne n’a une vocation plus décidée pour « fonder sur l’immanence divine la doctrine autodynamique du salut ». Pfeiderer, Lipsius, Biedermann, lui disent bien plus de choses que Helmholtz, Guillaume Wundt, Kirchhof, ou Lotze, encore qu’il connaisse à merveille ces philosophes et ces savants. Mathématicien de son état, M. Wernicke a, comme il arrive, la tournure d’esprit d’un théologien. Peu ou point de faits, en dépit du titre, dans ce petit écrit : des formules, et rien que des formules, Il est certain que les mathématiciens ont une façon de voir et de sentir, parlant de raisonner, toute différente de celle des biologistes. Qui, des uns ou des autres, s’approche ou s’éloigne davantage de ce qui est inaccessible, c’est ce qu’il paraît assez inutile de rechercher. Le critique doit se contenter de constater qu’il existe des familles d’esprit qui posent et résolvent les questions différemment, bref, qui créent des systèmes essentiellement divers, de même que les poiriers portent nécessairement d’autres fruits que les orangers.

Après avoir rappelé que G. Kirchhoff, dans ses Leçons de mécanique, considère comme l’œuvre de cette science de « décrire de la façon la plus simple et la plus complète les mouvements qui ont lieu dans la nature » ; qu’il a, en conséquence, répudié les atomes, les molécules et les centres de forces, — la force même, considérée comme cause du mouvement, car ce n’est là qu’un héritage des âges mythologiques, l’auteur invoque Helmholtz, qui, dans son discours intitulé : Ce qu’il y a de réel dans nos perceptions, a cité une parole mémorable de Gœthe. Le grand penseur allemand regardait la science comme « un arrangement artistique de faits » ; il répugnait à la voir prendre à tâche de formuler des idées abstraites, d’inventer des mots vides de sens, qui ne servent qu’à « obscurcir les faits ». Bref, le but de toute science, et de la philosophie en particulier, serait de décrire, de la façon la plus simple, les faits dans leur enchaînement systématique. La philosophie doit être une science descriptive. Nous demeurons volontairement à la surface, dit l’auteur, nous gardant bien d’approfondir. À nos yeux, la métaphysique n’est qu’une fiction.

Quel sera le point de départ, assuré et fixe, d’où l’auteur s’élancera à la poursuite de la vérité ? Le cogito de Descartes, mais avec cette variante que le fondement de notre connaissance ne peut être, à vrai dire, Je pense, mais Je pense quelque chose, Je sais quelque chose. Or c’est ce quelque chose qui est l’essentiel, et non le moi formel et vide. Par ma conscience, j’entends la somme de tout ce dont je sais quelque chose, Voilà qui est fort bien dit ; mais l’auteur n’a pas insisté, comme l’a fait naguère Fritz Schultze, sur ce point capital. Il est certain que la conscience n’est qu’un état variable de l’esprit, et non pas un être, quelque chose.

M. Wernicke a bien lu Wundt ; il reconnaît l’influence qu’a exercée sur lui la Psychologie physiologique, en particulier l’idée de tout ra-