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de ces deux savants, en ce que je considère les canaux comme des organes qui nous donnent des sensations toujours de même nature, mais qui, peuvent entrer dans la formation de notions diverses.

Ceci nous ramène à la deuxième question posée plus haut : Quel est l’excitant physiologique des canaux ? C’est à vrai dire le seul point qui ait un intérêt capital pour la question que je traite ; mais ici M. Cyon ne nous donne rien de positif. Après avoir ruiné, comme je le disais plus haut, les théories de MM. Goltz, Mach, Breuer et Crum Brown par des expériences fort remarquables, le physiologiste russe se borne à invoquer les ébranlements communiqués aux otolithes par les mouvements de la tête. Il garde, au reste, une grande réserve sur ce point[1] : « Quelle que soit la nature de l’excitant qui met en activité la fibre nerveuse du nerf optique, la sensation résultant de cette activité serait toujours une sensation lumineuse. La même chose doit avoir lieu dans les sensations des organes qui font l’objet de notre étude[2]. Quel que soit l’excitant qui fait fonctionner les fibres nerveuses distribuées dans les canaux, le résultat de leur excitation sera toujours une sensation d’étendue dans un plan perpendiculaire aux plans détendue des deux autres canaux[3]. » Je n’ai donc point à discuter plus longuement les opinions soutenues au cours de son travail puisque, d’après lui-même, rien ne serait changé à ses démonstrations, quel que fût l’excitant normal des canaux. Afin de bien résumer l’état actuel de la question, j’emprunterai encore ici quelques lignes à l’auteur qui s’est occupé, le plus récemment à ma connaissance, de ces questions difficiles. « Il n’est pas possible pour le moment, nous dit M. Spamer[4], de donner une explication satisfaisante, et à l’abri de toute objection, du mode suivant lequel les sensations se produisent dans les canaux, ni de l’excitation particulière sur laquelle elles reposent. »

Remarquons, en terminant cette revue, que tous ceux qui admettent que les sensations venant des canaux nous renseignent sur la position de notre tête dans l’espace, devraient également admettre que ces sensations nous arrivent d’une manière continue, et non point intermittente, comme cela aurait lieu si nous n’étions renseignés qu’en cas de mouvement ; puisque nous n’avons pas besoin de produire le moindre mouvement de notre tête pour être renseigné sur sa position.

  1. Loc. cit, p. 95.
  2. M. Croom Robertson (Mind, 1818) fait observer avec raison que l’on ne saurait, même et surtout avec les idées de M. Cyon, comparer les sensations arrivant par le sens de la vue avec celles arrivant par un sens de l’espace.
  3. P. 95.
  4. Loc. cit., p. 586.