Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
C. VIGUIER. — le sens de l’orientation

Y a-t-il donc un agent susceptible d’exercer sur les appareils sensoriels des canaux une action continue, et variable suivant les diverses positions de la tête. À mon avis, cet agent existe et n’est autre que le magnétisme terrestre, Qu’une force partout présente soit sans aucune action sur notre organisme, alors que nous le voyons influencé par les moindres variations de la lumière et de la chaleur, c’est ce qui serait déjà bien surprenant. Mais il est incontestable que non seulement les courants galvaniques exercent une action puissante sur notre système nerveux, mais que les aimants eux-mêmes produisent des effets bien marqués dans certaines affections nerveuses. Les expériences entreprises à la Salpêtrière par M. Charcot ne laissent aucun doute à cet égard ; et il doit y avoir quelque fondement à la pratique suivie par les paysans suédois, qui se font enterrer pendant quelques heures dans la direction nord-sud, pour se guérir de leurs névralgies[1]. En outre, les curieuses expériences de M. Ziégler[2] paraissent avoir un caractère d’authenticité presque certain, puisque M. Vogt en a lui-même été témoin, et les a communiquées au congrès de l’Association française, tenu au mois d’avril dernier à Alger. Bien que difficiles à interpréter pour le moment, elles n’en prouveraient pas moins, elles aussi, que le magnétisme terrestre exerce une action sur notre organisme ; et, cela étant, on pourrait presque assurer qu’il ne saurait guère ne pas exercer une action toute spéciale sur les canaux semi-circulaires.

Je suppose donc que le magnétisme terrestre détermine dans l’endolynphe des canaux de véritables courants induits, dont l’intensité varie avec la position de ces canaux par rapport aux directions des aiguilles d’inclinaison et de déclinaison, et avec l’intensité des phénomènes magnétiques[3].

  1. Je tiens ce renseignement de M. Nordström, consul de Suède à Alger. Il est au reste bien prouvé, par les expériences physiologiques, qu’il existe un rapport étroit entre l’agent nerveux et l’électricité, dont le magnétisme n’est qu’une forme.
  2. « M. Ziègler prend une lentille de fer doux ; il l’expose dans une situation telle qu’elle reçoive les rayons magnétiques terrestres et les renvoie sur l’organe à étudier. En projetant ainsi sur le cœur d’un lapin les rayons magnétiques ainsi concentrés, on change le rhythme du cœur : on provoque, si l’on concentre les rayons sur l’intestin des mouvements péristaltiques violents. (Journal officiel, 18 mai 1881.
  3. Les expériences que M. Cyon invoque contre les théories mécaniques ne sauraient être invoquées ici, puisque le courant pouvait toujours se transmettre, malgré l’immobilisation et le rétrécissement du conducteur. Celle même où il fait sortir une partie de l’endolymphe ne prouve rien ici ; puisque les courants se transmettent aussi bien par des membranes humides que par des liquides, et que les phénomènes de Flourens paraissent déterminés par l’excitation, et non par la paralysie des canaux.