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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

révolutionnaire veut que l’organe exécutif et l’organe législatif rentrent l’un dans l’autre et tend à remettre l’administration à des commissions permanentes formées au sein de l’assemblée souveraine ; suivant ces principes, toute fonction devient élective, en attendant que la délégation soit envisagée comme une diminution de la souveraineté des individus ; bientôt en effet cette souveraineté aspirera à s’exercer directement, et, comme elle ne peut s’exercer que de près, le fractionnement des grands États en petites circonscriptions paraîtra nécessaire ; la guerre et l’entretien des armées deviendront de plus en plus intolérables à des individus qui, pris isolément, n’ont pas, ce semble, les mêmes raisons de conflit que les nations, sans compter que le principe de la coordination s’accommode mal de la discipline militaire, et c’est ainsi qu’on doit aller jusqu’à la suppression de tout ce qui constitue la vie nationale, jusqu’au gouvernement immédiat de chacun par lui-même, c’est-à-dire à l’anarchie toute pure. Mais sans poursuivre les conséquences de la doctrine jusqu’à cette limite extrême, bien qu’inévitable, et pour nous en tenir à la méthode, qui ne voit qu’elle tend à substituer dans tous les débats politiques les verdicts de la conscience morale aux enquêtes de faits et à la recherche patiente du plus grand intérêt collectif ? car, dans toute question économique, à plus forte raison dans toute question sociale, ce sont des volontés libres qui sont en rapport ; il suffit donc de chercher quelle est la solution qui assure à ces volontés le maximum d’indépendance : tout se ramène en politique à une question de droit ; c’est ce qu’affirme M. Fouillée lui-même. Dès lors, diront d’autres politiques plus rigoureux, la sociologie est inutile ; la science politique est achevée ; toutes les solutions sont prêtes ; il ne reste plus qu’à les faire passer dans la pratique, et, comme les obstacles ne peuvent venir que de volontés perverses, la politique consistera en revendications du droit, revendications immédiates et universelles. Point de prescription contre le droit. Il doit l’emporter de haute lutte. La tradition, les habitudes, l’ancienneté historique, loin de recommander au respect du législateur les institutions contraires aux principes, doivent au contraire les signaler à son implacable sévérité comme des abus d’autant plus funestes qu’ils sont plus invétérés. Bref, plus d’études, rien que des exécutions ; la vérité est trouvée ; coupables sont ceux non seulement qui lui résistent, mais qui ne se mettent pas immédiatement à l’œuvre pour l’appliquer intégralement. En fin de compte, au lieu d’une théorie scientifique, nous rencontrons une pratique arbitraire et intolérante.

Nous sommes donc bien obligé de constater que la théorie de l’état contractuel et la méthode déductive par laquelle on la déve-