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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

nature, — Mais de plus la partie que vous considérez comme achevée, l’ensemble des lois positives de la vie sociale, loin de former un tout rigoureusement systématique, ressemble plutôt à un amas de vérités sans lien. — Nous ne faisons aucune difficulté de l’avouer, la science entendue de la sorte n’a pas l’allure expéditive de la politique classique. Au lieu de se laisser résumer d’emblée en petits traités clairs et géométriques, commodes pour la propagande, elle commence par une accumulation prodigieuse de dossiers, de recueils, de tableaux, de cartes et de graphiques au milieu desquels elle devra longtemps se traîner avant d’aboutir à l’unité finale. Il n’y a à cela aucun remède. C’est ainsi que toutes les sciences biologiques ont procédé. Seulement il faut ajouter que dans ces sciences l’unité, pour apparaître tardivement, n’a pas moins fini par se dégager ; elle s’est manifestée d’abord dans des groupes restreints de faits par des théories partielles ; puis la synthèse organique s’est faite de proche en proche, et aujourd’hui cette synthèse présente des lignes assez fermes et assez lumineuses pour qu’un Huxley puisse écrire une physiologie élémentaire à l’usage des débutants. Nous ne doutons pas qu’il ne doive en être ainsi pour la politique dans un avenir, assez éloigné il est vrai, mais qui peut paraître proche si l’on prend la vie des nations, non celle de l’individu, comme mesure de la durée.

A. Espinas.
(À suivre.)