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, mais qui ne peut exister sans elle : c’est la doctrine de l’animisme. Rey Régis, quoique médecin de Montpellier, est un animiste déclaré[1]. Sans paraître connaître le système de Stahl, ou du moins sans le citer, il l’expose à son point de vue, et il est un de ceux qui ont le plus décidément soutenu.

Rey Régis ne s’est pas contenté d’établir existence de la faculté motrice ; il en a établi les conditions et les effets. Cette puissance est soumise aux mêmes conditions que les autres facultés, c’est-à-dire qu’elle a un objet déterminé, auquel elle est proportionnée, et qu’elle est assujettie dans son exercice à certaines causes excitantes qui sont surtout « des sentiments provoquants et de certains besoins de l’âme et du corps ».

On sait que toutes les facultés exercent une action les unes sur les autres ; elles sont en commerce et en correspondance ; nous voyons en effet que les pensées déterminent les passions et que les passions déterminent les pensées ; la volonté les détermine les unes et les autres, et elle est réciproquement déterminée par elles. De même, la faculté motrice pourra être déterminée à l’action, soit par la volonté, soit par la pensée, soit par la passion. Cette doctrine d’une détermination immédiate de la faculté motrice par la pensée et par la passion, sans l’intermédiaire direct de la volonté, est une de celles par lesquelles Rey Régis se distingue de Maine de Biran et va rejoindre les psychologues anglais de nos jours. L’action motrice des passions est connue depuis longtemps : on sait que la peur fait fuir et que la colère pousse à frapper. Malebranche dit plaisamment en parlant des gens de guerre que chez eux « les esprits animaux ont pris l’habitude de couler dans les nerfs qui font lever le bras « . Quant à l’action des idées, Herbart en Allemagne, Bain en Angleterre y ont beaucoup insisté. L’idée du bâillement provoque le bâillement ; la pensée chez les vieillards provoque immédiatement la parole ; ils se parlent à eux-mêmes sans le savoir et croient ne faire que penser. Rey Régis, de son côté, a signalé beaucoup de faits semblables.

Non seulement la faculté motrice est déterminée dans son action par les autres facultés ; mais encore elle est en quelque sorte « la médiatrice » entre ces facultés : car c’est par son intermédiaire qu’elles agissent les unes sur les autres ; par exemple, « ni les idées ni la volonté ne pourront exciter de passions qu’en terminant la puissance motrice à mouvoir leurs organes, de même que la volonté et les passions ne pourront faire produire à l’esprit des pensées qu’en déterminant cette même puissance à mouvoir les organes du

  1. On sait que l’école de Montpellier est vitaliste sans être animiste.