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qu’il y ait entre les corps, c’est-à-dire la différence des sexes, doit venir d’une différence primordiale de l’âme elle-même.

Après avoir créé le corps, il s’agit de le conserver. L’âme le fait, en ajoutant à la force de cohésion qui unit les parties de la matière inorganique une autre force appelée force vitale ou tonique, qui disparaît après la mort tandis que l’autre ne disparaît pas. C’est en vertu de cette force tonique que les fibres se resserrent sous l’influence de l’excitation externe. Cette force n’est autre chose que l’irritabilité de Haller, la contractilité de Bichat. Rey Régis accorde qu’il peut y avoir une irritabilité mécanique et automatique ; mais il affirme qu’il y en a une autre sensible et vitale, qui vient de l’âme elle-même. On le voit surtout sous l’influence des passions. L’enthousiasme, la peur, la colère ont une action bien connue sur la tonicité des parties. Indépendamment de cet instinct fondamental conservateur du corps, il y a une foule de mouvements instinctifs qui peuvent devenir volontaires avec le temps, mais qui ne le sont pas à l’origine. Actuellement, nous contribuons par la volonté à l’acte de la respiration, aux mouvements du larynx et du pharynx, au mouvement des yeux, aux cris, etc. Tous ces mouvements ont commencé par s’accomplir indépendamment de notre volonté. Or c’est bien à notre âme que nous les attribuons aujourd’hui. Pourquoi les attribuerait-on à une autre cause que l’âme, lorsque l’âme n’est pas encore éveillée ?

2o Tous nos mouvements sont donc primitivement instinctifs ; mais il y a deux sortes de mouvements instinctifs : ceux qui le sont primitivement et qui restent tels toute la vie, et ceux qui, ayant commencé par être instinctifs comme les autres, deviennent plus tard volontaires et calculés. Les premiers sont les mouvements instinctifs proprement dits ; les seconds sont les mouvements volontaires, dont nous allons parler.

Rey Régis, comme Maine de Biran, comme Alexandre Bain, se demande comment nous passons de l’instinct à la volonté. Les mouvements, dit-il, ont commencé par être instinctifs ; nous les répétons sous l’influence du plaisir et de la douleur ; nous nous apercevons alors qu’ils nous appartiennent ; nous apprenons à connaître l’effort qu’il faut faire pour tel ou tel mouvement de manière à le proportionner à l’effet. Mais, dit Régis, la vue de l’organe sert beaucoup pour en diriger l’action, et c’est pour établir ce principe qu’il cite le fait reproduit plus tard par Maine de Biran dans une pensée toute différente. Voici ce fait : « Ayant vu un malade paralysé de la moitié du corps après une attaque récente d’apoplexie, je fus curieux de savoir s’il lui restait encore quelque sentiment et quelques mouvements