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H. JOLY. — psychologie des grands hommes

forces, aux détails de tous les effets. » Il était ainsi dans la maturité de son génie, quand les résultats de certaines expériences ; indiquées par lui, mais exécutées par un autre savant, par Hooke, le ramenèrent à sa grande idée.

Moitié par suppositions d’un caractère plus ou moins métaphysique, moitié par des expérimentations suivies d’inductions et de tâtonnements, Hooke était arrivé, en 1679, à l’idée suivante : dans une lettre à Newton sur le mouvement des projectiles, il présentait l’ellipse concentrique comme la conséquence d’une gravité réciproque au carré des distances au centre de la terre. « Ce rapprochement ne pouvait manquer de frapper un esprit qui avait, depuis si longtemps et si constamment, fixé ses pensées sur les mouvements célestes. Ainsi Newton s’empressa de l’examiner par le calcul, et il trouva qu’il était fondé, c’est-à-dire qu’une force attractive émanée d’un centre, et agissant réciproquement au carré des distances, fait nécessairement décrire, au corps qu’elle sollicite, une ellipse, ou en général une section conique dont le centre occupe un des foyers ; et non seulement pour la forme de l’orbite, mais pour la vitesse en chaque point, les mouvements produits par une telle force sont exactement pareils aux mouvements planétaires. C’était là évidemment le secret du système du monde.

« Mais il restait toutefois à expliquer ou à faire disparaître cette singulière discordance que le mouvement de la lune avait offerte à Newton, lorsqu’en 1665 il avait voulu étendre jusqu’à elle la gravité terrestre, en l’affaiblissant avec la distance suivant cette même loi. Aussi, malgré ce que toutes les autres inductions semblaient présenter de vraisemblance, Newton se retint encore et garda en lui-même sa découverte. Enfin, trois ans après, et à ce que l’on peut conjecturer, vers le mois de juin 1682, se trouvant à Londres à une séance de la Société royale, on vint à parler de la nouvelle mesure d’un degré terrestre, récemment exécutée en France par Picard, et l’on donna beaucoup d’éloges aux soins qu’il avait employés pour la rendre exacte. Newton, s’étant fait communiquer la longueur du degré résultant de cette mesure, revint aussitôt chez lui, et, reprenant son premier calcul de 1665, il se mit à le refaire avec ces nouvelles données. Mais, à mesure qu’il avançait, comme l’effet plus avantageux des nouveaux nombres se faisait sentir, et que la tendance favorable des résultats vers le but désiré devenait de plus en plus évidente, il se trouva tellement ému qu’il ne put continuer davantage son calcul et pria un de ses amis de l’achever. »

Dès lors, Newton ne douta plus. Il voyait, ajoute Biot, la pensée de toute sa vie réalisée et l’objet constant de tous ses désirs atteint. « Ce