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Cette forme vague n’existe plus que dans certaines excitations d’un caractère physiologique ou pathologique que nous ne pouvons rapporter à aucun endroit déterminé. Mais, chez les nouveau-nés, cet état d’indétermination est la règle. Ils ne savent où localiser les sensations cutanées, visuelles, auditives. La sensation proprement dite qui constitue un état simplement transitoire de l’activité psychique, ne renferme donc aucun rapport d’espace. Mais que faut-il entendre par ce genre de rapports ?

La perception suppose toujours la présence d’un objet qui, médiatement ou immédiatement, a excité les organes des sens, Il est impossible de percevoir un objet sans le rapport à un lieu, quel qu’il soit. Cette localisation, l’auteur l’entend au sens le plus large. Il l’attribue non-seulement au toucher et à la vue, mais à toutes les sensations extérieures et même, quoique à un degré plus faible, à certaines sensations internes. Dans la sensation, il doit donc manquer quelque chose, puisqu’il lui manque les rapports dans l’espace, c’est-à-dire la localisation.

C’est ici que l’auteur expose sa théorie personnelle de la perception « ch. IV, p. 63 suiv.). Une impression est produite à la périphérie, elle se transmet par les nerfs jusqu’au cerveau. Tant que ce dernier organe est peu développé ou mal exercé, l’onde nerveuse s’y localise mal, elle diffuse ; mais, à mesure que l’évolution cérébrale s’accomplit, qu’une différenciation de cet organe se produit, l’onde nerveuse se localise de plus en plus dans des parties spéciales et ainsi se produit une localisation qu’on peut appeler centrale pour l’opposer à la localisation périphérique. Toutefois cela n’explique pas la perception, c’est-à-dire la détermination dans l’espace, « car comment l’organe central peut-il rapporter l’événement à l’extérieur, si la communication avec l’intérieur cesse ? » Il y a donc une autre phase du processus à considérer — une phase physiologique, qui dérive de ce fait du resserrement de l’onde nerveuse au centre. L’onde éprouvant une sorte de résistance se réfléchit vers le point de départ et c’est cette réflexion du courant excitateur qui constitue l’élément essentiel de la perception.

M. Sergi éclaircit d’ailleurs sa théorie par la comparaison suivante. Supposons un lac en communication avec un canal. Si l’on produit une onde d’une certaine grandeur à l’extrémité extérieure du canal, elle se propagera suivant les lois de la mécanique dans le canal et le lac lui-même, en s’élargissant et s’affaiblissant, Mais supposons qu’on diminue la grandeur du canal par une digue : le mouvement ondulatoire cette fois trouvera un obstacle dans la digue, il ne pourra pas la dépasser. Qu’adviendra-t-il ? Il en résultera une réflexion de l’onde par cette portion du lac et par le canal lui-même. « Ainsi en advient-il de l’onde nerveuse, resserrée dans des parties spéciales (du cerveau), elle revient vers la périphérie, constituant une onde réflexe de la sensation » (P. 71.)

« L’onde réflexe n’est donc autre chose qu’une onde nerveuse qui revient par la même voie qu’elle a parcouru pendant la période de production. Elle retourne au même point de départ, à la périphérie de l’or-