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LES NOUVEAUX EXPÉDIENTS

EN FAVEUR DU LIBRE ARBITRE

I — EXPÉDIENTS LOGIQUES ET MÉCANIQUES


Il se produit depuis quelque temps parmi les moralistes, qu’ils se rattachent au spiritualisme ou au criticisme, une sorte de réaction anti-scientifique dans l’intérêt de la morale. Les uns s’efforcent de montrer (chose facile) que la science ne sait pas tout, et en concluent qu’ils ont le droit de remplir les lacunes de la science par l’affirmation d’un libre arbitre qui échappe aux lois scientifiques. Où la science se tait, ils se croient autorisés à parler comme bon leur semble et à admettre des miracles. D’autres s’efforcent de tourner la science même au profit du libre arbitre. Ce qui semble s’accommoder le moins de ce pouvoir miraculeux, c’est d’abord la logique, puis la mécanique ; or ce sont précisément ces deux sciences qu’on essaye aujourd’hui de mettre sous la dépendance du libre arbitre : montrer que sans son secours elles ne sauraient subsister serait un chef-d’œuvre de tactique ; l’entreprise est séduisante et séduit en effet plus d’un esprit. Ainsi s’introduisent, dans une question toute psychologique et morale, de véritables expédients logiques et mécaniques qui ont pour but de sauver le libre arbitre ; ce sont, dans tous les sens du mot, des arguments ex machina. Nous nous proposons d’examiner ici les principaux et les plus récents. Il y a, dans cette question de la liberté, ainsi que dans celle de l’existence de Dieu, toute une « nichée de sophismes », comme disait Kant, et il faut, pour la faire s’envoler, agiter un peu les broussailles logiques ou mathématiques derrière lesquelles ils se cachent.

I
Le libre arbitre et la pensée

Les nouveaux champions du libre arbitre commencent par recon-