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HISTOIRE DU CONCEPT DE L’INFINI

au vie siècle siècle avant j.-c.

I
une thèse de pythagore.

Dans mon étude sur Anaximandre[1], j’ai cherché à établir, d’après Gustav Teichmüller, que, vers le milieu du vie siècle avant J.-C. le premier « physiologue », se représentant d’une part la totalité de la matière comme soumise au mouvement de la révolution diurne, et, d’un autre côté, ne possédant en aucune façon la notion du vide absolu, ne pouvait point concevoir comme infinis, ni la matière, ni l’espace. Mais, en même temps, j’ai essayé de prouver aussi, toujours d’accord avec Teichmüller, que la qualification d’ἄπειρον, donnée par Anaximandre à son élément primordial, ne doit pas être regardée comme simplement métaphorique ; qu’au contraire il lui attribuait un sens relativement précis et exprimait ainsi l’absence de limitation non pas externe, mais bien interne, c’est-à-dire, dans notre langage moderne, l’unité et la continuité de cet élément.

J’ai fait au reste allusion à la persistance de ce sens du terme ἄπειρον dans l’antiquité, spécialement au sein de l’école pythagorienne, et il est clair que si l’on veut poursuivre l’histoire de l’origine, de la constitution et des variations du concept de l’infini à partir d’Anaximandre, l’on se trouve tout d’abord, chronologiquement, en face de son contemporain Pythagore.

Toutefois, une difficulté se présente immédiatement ; on admet en général que les doctrines pythagoriciennes sont restées longtemps secrètes et n’ont été divulguées que lors de la publication des écrits de Philolaos, vers le commencement du ive siècle avant J.-C. Une doctrine secrète ne pouvant avoir aucune influence sur l’élaboration extérieure des concepts, subissant au contraire nécessairement le contre coup de cette élaboration, ne vaudrait-il pas mieux en retarder l’examen jusqu’à l’étude de l’époque où elle a été révélée ?

Il en serait ainsi certainement, si la légende du mystère gardé sur

  1. Revue philosophique, mai 1882, pp. 512-517.