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comme point de départ les vérités scientifiques, et en < postulant » l’usage transcendant des principes de la raison, c’est-à-dire l’optimisme rationaliste, construire un système satisfaisant de croyances métaphysiques ? Beaucoup de grands esprits l’ont pensé, et M. Graham l’a tenté après eux, en mettant à profit les idées les plus récentes, en prenant une base plus solide et plus large. Nous a-t-il donné le mot de l’énigme universelle ? Il n’y prétend point ; mais les conclusions, qui gagneraient, il faut le dire, à être réunies en un exposé systématique, constituent une théorie métaphysique intéressante, une sorte de panthéisme optimiste et religieux. L’accepter ou le rejeter est précisément affaire de foi, nous n’entreprendrons pas d’opposer un autre système à celui-ci ; nous signalerons seulement, au point de vue critique, deux traits qui nous semblent caractéristiques :

1o La conception de l’immortalité que nous expose M. Graham est assurément originale ; mais, pour vouloir la soustraire aux objections ordinaires, n’en fait-il pas une pure fiction ? Il est difficile d’expliquer la persistance de la mémoire dans une autre vie, mais il l’est bien plus encore de comprendre la persistance du moi, et surtout l’intérêt moral qui s’y attache, sans la mémoire. Bon gré mal gré, ces conditions s’imposent à notre pensée ; hors de là, elle n’a plus où se prendre ; d’autre part, c’est l’argument moral qui nous touche le plus ; s’il disparaît, ce n’est plus sur la raison que cette croyance s’appuie, c’est une foi aveugle qu’elle réclame.

2o Dans toute cette métaphysique, il est à peine question d’une théorie de la connaissance ; ce grave problème est à peine effleuré, et l’auteur a vite fait de le résoudre « par l’expérience ». Les discussions métaphysiques sont stériles, nous dit-il, et c’est la science qu’il faut consulter ; mais nous persistons à croire qu’il y a dans le livre plus d’un chapitre de métaphysique, et, dans tous les cas, l’expérience est ici absolument incompétente. C’est que M. Graham ne s’arrête pas à la spéculation pure ; c’est par le côté pratique qu’il aborde les questions, et c’est la solution pratique qui l’inquiète. Ge sens de l’action, qu’il partage avec ses compatriotes, explique ses intentions, ses attaques, le dessein de son ouvrage et ses conclusions optimistes.

En résumé, son livre a une grande valeur philosophique et surtout morale ; il y a là un sentiment très vif des tendances du présent et des promesses de l’avenir, et une conscience clairvoyante des idées directrices du progrès humain.

Ch. Chabot.

M. Lazarus. — Das Leben der Seele in Monograprien ueber seine Erscheinungen und Gesetze. Zweite, erweiterte und vermehrte Auflage ; 3e vol.  Berlin. Fer. Dümmler (Harrwitz et Gossmann, 1882).

Le titre annonce un ouvrage de psychologie, « La vie de l’âme » ;