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ANALYSES. — M. LAZARUS. Das Leben der Seele.

Le premier élément du tact repose sur l’hérédité, l’exercice et l’éducation et se rencontre donc plus dans les cours, dans les grandes villes, etc. Le second repose sur la source naturelle et créatrice de la disposition d’esprit (Gesinnung).

Toutes choses égales d’ailleurs, dans le mécanisme psychique, le résultat en sera tout autre, selon qu’un intérêt égoïste ou idéal le met en mouvement. Lazarus revient à cette idée et dit que, dans l’intérêt de la pédagogie surtout il serait désirable de scruter cette rétroactivité des éléments idéaux, placés au delà de tout mécanisme, sur le mécanisme lui-même.

Le tact fin tranche les questions d’idéalité mieux que la réflexion méthodique de la science.

Il est plus facile de reconnaître les idées morales et esthétiques que de trouver, ne fût-ce que théoriquement, leur application à des rapports concrets de la vie, à fortiori de les appliquer.

C’est encore le tact qui trouve le vrai milieu dans la réalisation de plusieurs idées qui s’éloignent les unes des autres, en quelque sorte la diagonale dans le parallélogramme des forces impulsives idéales.

Gottfried Keller dit que la connaissance de beaucoup de cas et des formes diverses qu’ils prennent est plus utile aux jeunes gens que toutes les théories morales. C’est là-dessus que repose le prix inestimable des écrits bibliques et homériques (allumer dans les âmes des enfants la flamme des idées morales et religieuses, pour les éclairer et les réchauffer) ; enseignement que la vie elle-même se chargera de donner à l’homme adulte.

Ce qui est l’avantage caractéristique des événements véritables de la vie, ce n’est pas la réalité, mais c’est qu’ils font éclore l’idéalité et en sont la source. Beaucoup de cas particuliers, avec leurs légères variations, contiennent d’abord objectivement une transformation de la forme idéale ; pour éclaircir cela, l’auteur montre comment se comportent vis-à-vis l’une de l’autre la vie du droit et la science du droit, cette science à propos de laquelle le professeur Bruns lui disait : Ce que l’étudiant en droit doit apprendre avant tout dans les Pandectes, c’est à mettre le penser juridique-scientifique à la place de celui du bon sens. M. Lazarus espère jeter un pont entre ces deux abimes par le travail dont il trace l’esquisse (p. 52) et auquel il convie un psychologue ayant fait des études de droit. Combien de temps faudra-t-il encore jusqu’à ce que l’éthique devienne à la fois une législation et une science ? Cet exemple du droit (dont l’idée se transforme de tant de manières chez le juge, l’avocat, le juré, etc.) rend évident comment les masses, les représentants de l’âme du peuple, fournissent leur contingent. La vie crée les motifs de l’idéalité dans l’action, d’une manière obscure et inconsciente sous la forme du tact ; à la science de les élever à la conscience et d’en faire une norme, d’où les masses à leur tour feront