Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 14.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
671
ANALYSES. — M. LAZARUS. Das Leben der Seele.

de laquelle, comme il dit, ne tombent que peu de rayons. Et pourtant c’est là une question grave, « un sol sacré. » Pour la résoudre, les races placées encore au plus bas de l’échelle offrent un précieux concours. Le procédé d’investigation a changé du tout au tout, depuis qu’on a appris à connaître ces formes plus primitives de la moralité.

Lazarus procéde ici, comme pour les langues, en psychologue ; comme toujours, il explique sa méthode ; il insiste sur l’action réciproque entre la découverte de simples faits et l’interprétation psychologique des germes moraux qui y sont donnés.

Il faut distinguer entre les mœurs des temps préhistoriques et celles des temps historiques, en dehors et à côté des lois. Il reste encore maintenant à chaque société humaine comme une atmosphère de mœurs ne se cristallisant pas sous forme de lois. Là où la loi reste indifférente, les mœurs ont des règles de conscience (par exemple sur la bienfaisance, la gratitude, l’hospitalité).

Dans les premiers temps, il n’y avait pas encore de séparation entre la religion, la morale, le droit, etc. Tout cela constituait l’idéalité de la vie et la représentait dans les actions.

Qu’est-ce que la coutume (mos, Sitte) ? Il ne s’agit pour le moment que d’une définition par à peu près ; la vraie définition ne peut être que le résultat, non le commencement d’une étude, C’est ce qui est usité dans un tout social ; toute coutume est réellement morale, car elle est une règle de l’action. Ce qui revient avec ordre, voilà l’humain. L’usage religieux aussi est coutume ; peu importent les superstitions ; il fait partie des germes de ce qui est moral. Toute coutume est sociale et historique. En effet, elle suppose un accord réciproque et forme ainsi un lien spirituel entre les individus. En général, la jeune génération suit l’exemple de l’ancienne d’après les lois psychologiques les plus simples, et ainsi la coutume fait de l’homme un être historique ; voilà ce qui le distingue le plus profondément du monde animal ; la coutume fonde l’universel l’objectif dans tout l’homme. Gesittung est l’opposé de l’isolement et de l’accidentel comme motif d’action.

L’homme de la nature ne cherche que le plaisir, ne se règle que par l’arbitraire ; la force de la nature, toujours prête à reparaître, sépare ; la loi morale unit.

Tous les peuples ont des mœurs, quelque différentes qu’elles soient ; nous les reconnaissons mieux par là que par leurs visages.

À la question sur l’origine des mœurs s’en mêle une autre : La plupart ont pensé qu’elles sont enseignées par la divinité. M. Lazarus en indique les raisons, dont la principale est l’éclat de la dignité morale qui élève l’homme au-dessus de tout. Il rappelle ce qu’il a déjà dit à propos du tact (p. 43) que toute création éminente, ou soudaine ou fruit de lentes transformations, est attribuée à des puissances supérieures. Plus tard, dans les siècles de lumières, on les attribue aux grands hommes ; ce sont eux qui inventent et enseignent des règles de vie (Cicéron, sur la puissance de l’éloquence). Mais comment ces grands